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vais supputé le nombre de notre peuple en calculant les différentes sectes qui sont parmi nous à l’égard de la religion et de la politique.

Il remarqua qu’entre les amusements de notre noblesse, j’avais fait mention du jeu. Il voulut savoir à quel âge ce divertissement était ordinairement pratiqué, et quand on le quittait ; combien de temps on y consacrait, et s’il n’altérait pas quelquefois la fortune des particuliers, et ne leur faisait pas commettre des actions basses et indignes ; si des hommes vils et corrompus ne pouvaient pas quelquefois, par leur adresse dans ce métier, acquérir de grandes richesses, tenir nos pairs même dans une espèce de dépendance, les accoutumer à voir mauvaise compagnie, les détourner entièrement de la culture de leur esprit et du soin de leurs affaires domestiques, et les forcer, par les pertes qu’ils pouvaient faire, d’apprendre peut-être à se servir de cette même adresse infâme qui les avait ruinés.

Il était extrêmement étonné du récit que je lui avais fait de notre histoire du dernier siècle ; ce n’était, selon lui, qu’un enchaînement horrible de conjurations, de rébellions, de meurtres, de massacres, de révolutions, d’exils et des plus énormes effets que l’avarice, l’esprit de faction, l’hypocrisie, la perfidie, la cruauté,