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ciers, et où nous trouverions de quoi les payer, si nous gardions à leur égard les lois de la nature, de la raison et de l’équité. Il était étonné du détail que je lui avais fait de nos guerres et des frais excessifs qu’elles exigeaient. Il fallait certainement, disait-il, que nous fussions un peuple bien inquiet et bien querelleur, ou que nous eussions de bien mauvais voisins. Qu’avez-vous à démêler, ajoutait-il, hors de vos îles ? devez-vous y avoir d’autres affaires que celles de votre commerce ? devez-vous songer à faire des conquêtes ? et ne vous suffit-il pas de bien garder vos ports et vos côtes ? Ce qui l’étonna fort, ce fut d’apprendre que nous entretenions une armée dans le sein de la paix et au milieu d’un peuple libre. Il dit que si nous étions gouvernés de notre propre consentement, il ne pouvait s’imaginer de qui nous avions peur, et contre qui nous avions à nous battre : il demanda si la maison d’un particulier ne serait pas mieux défendue par lui-même, par ses enfans et par ses domestiques, que par une troupe de fripons et de coquins tirés par hasard de la lie du peuple avec un salaire bien petit, et qui pourraient gagner cent fois plus en nous coupant la gorge.

Il rit beaucoup de ma bizarre arithmétique (comme il lui plut de l’appeler), lorsque j’a-