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la réputation d’avoir le plus d’industrie, d’artifice et de sagacité ; et enfin que, quelque peu de cas qu’il fît de ma figure, j’espérais néanmoins pouvoir rendre de grands services à sa majesté. Le roi m’écouta avec attention, et commença à me regarder d’un autre œil, et à ne plus mesurer mon esprit par ma taille.

Il m’ordonna alors de lui faire une relation exacte du gouvernement d’Angleterre, parce que, quelque prévenus que les princes soient ordinairement en faveur de leurs maximes et de leurs usages, il serait bien aise de savoir s’il y avait en mon pays de quoi imiter. Imaginez-vous, mon cher lecteur, combien je désirai alors d’avoir le génie et la langue de Démosthène et de Cicéron, pour être capable de peindre dignement l’Angleterre, ma patrie, et d’en tracer une idée sublime.

Je commençai par dire à sa majesté que nos États étaient composés de deux îles qui formaient trois puissans royaumes sous un seul souverain, sans compter nos colonies en Amérique. Je m’étendis fort sur la fertilité de notre terrain, et sur la température de notre climat. Je décrivis ensuite la constitution du parlement anglais, composé en partie d’un corps illustre appelé la chambre des pairs, personnages du sang le plus noble, anciens possesseurs et seigneurs des plus