Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

majesté qu’en Europe nous n’avions point de singes, excepté ceux qu’on apportait des pays étrangers, et qui étaient si petits qu’ils n’étaient point à craindre, et qu’à l’égard de cet animal énorme à qui je venais d’avoir affaire (il était en vérité aussi gros qu’un éléphant), si la peur m’avait permis de penser aux moyens d’user de mon sabre (à ces mots, je pris un air fier, et mis la main sur la poignée de mon sabre), quand il a fourré sa patte dans ma chambre, peut-être je lui aurais fait une telle blessure, qu’il aurait été bien aise de la retirer plus promptement qu’il ne l’avait avancée. Je prononçai ces mots avec un accent ferme, comme une personne jalouse de son honneur, et qui se sent. Cependant mon discours ne produisit rien qu’un éclat de rire, et tout le respect dû à sa majesté de la part de ceux qui l’environnaient ne put les retenir ; ce qui me fit réfléchir sur la sottise d’un homme qui tâche de se faire honneur à lui-même en présence de ceux qui sont hors de tous les degrés d’égalité ou de comparaison avec lui ; et cependant ce qui m’arriva alors, je l’ai vu souvent arriver en Angleterre, où un petit homme de néant se vante, s’en fait accroître, tranche du petit seigneur, et ose prendre un air important avec les plus grands du royaume, parce qu’il a quelque talent.