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décampa, et me laissa tomber sur une gouttière. Alors un des laquais de ma petite maîtresse, honnête garçon, grimpa ; et, me mettant dans la poche de sa culotte, me fit descendre en sûreté.

J’étais presque suffoqué des ordures que le singe avait fourrées dans mon gosier ; mais ma chère petite maîtresse me fit vomir, ce qui me soulagea. J’étais si faible et si froissé des embrassades de cet animal, que je fus obligé de me tenir au lit pendant quinze jours. Le roi et toute la cour envoyèrent chaque jour pour demander des nouvelles de ma santé, et la reine me fit plusieurs visites pendant ma maladie. Le singe fut mis à mort, et un ordre fut porté, faisant défense d’entretenir désormais aucun animal de cette espèce auprès du palais. La première fois que je me rendis auprès du roi, après le rétablissement de ma santé, pour le remercier de ses bontés, il me fit l’honneur de railler beaucoup sur cette aventure ; il me demanda quels étaient mes sentiments et mes réflexions pendant que j’étais entre les pattes du singe, de quel goût étaient les viandes qu’il me donnait, et si l’air frais que j’avais respiré sur le toit n’avait pas aiguisé mon appétit : il souhaita fort de savoir ce que j’aurais fait en une telle occasion dans mon pays. Je dis à sa