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ce que je fusse presque mort de lassitude, d’ennui et de chagrin.

Ceux qui m’avaient vu firent de tous côtés des rapports si merveilleux, que le peuple voulait ensuite enfoncer les portes pour entrer. Mon maître, ayant en vue ses propres intérêts, ne voulut permettre à personne de me toucher, excepté à ma petite maîtresse ; et, pour me mettre plus à couvert de tout accident, on avait rangé des bancs autour de la table à une telle distance que je ne fusse à portée d’aucun spectateur. Cependant un petit écolier malin me jeta une noisette à la tête, et il s’en fallut peu qu’il ne m’attrapât : elle fut jetée avec tant de force que, s’il n’eût pas manqué son coup, elle m’aurait infailliblement fait sauter la cervelle, car elle était presque aussi grosse qu’un melon ; mais j’eus la satisfaction de voir le petit écolier chassé de la salle.

Mon maître fit afficher qu’il me ferait voir encore le jour du marché suivant : cependant il me fit faire une voiture plus commode, vu que j’avais été si fatigué de mon premier voyage et du spectacle que j’avais donné pendant huit heures de suite, que je ne pouvais plus me tenir debout et que j’avais presque perdu la voix. Pour m’achever, lorsque je fus de retour, tous les gentilshommes du voisinage, ayant entendu