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grossière que des toiles de navire), et les blanchit toujours elle-même. Ma blanchisseuse était encore la maîtresse d’école qui m’apprenait sa langue. Quand je montrais quelque chose du doigt, elle m’en disait le nom aussitôt ; en sorte qu’en peu de temps je fus en état de demander ce que je souhaitais : elle avait, en vérité, un très-bon naturel ; elle me donna le nom de Grildrig, mot qui signifie ce que les Latins appellent nanunculus, les Italiens homunceletino, et les Anglais mannikin. C’est à elle que je fus redevable de ma conservation. Nous étions toujours ensemble : je l’appelais Glumdalclitch, ou la petite nourrice, et je serais coupable d’une très-noire ingratitude si j’oubliais jamais ses soins et son affection pour moi. Je souhaite de tout mon cœur être un jour en état de les reconnaître, au lieu d’être peut-être l’innocente mais malheureuse cause de sa disgrâce, comme j’ai trop lieu de l’appréhender.

Il se répandit alors dans tout le pays que mon maître avait trouvé un petit animal dans les champs, environ de la grosseur d’un splacknock (animal de ce pays, long d’environ six pieds), et de la même figure qu’une créature humaine ; qu’il imitait l’homme dans toutes ses actions, et semblait parler une petite espèce de langue qui lui était propre ; qu’il avait déjà ap-