Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 205 —

pour me dire bonjour par la fenêtre, alléguant « qu’il a une commission à faire pour Mme Bol… » Encore Barral ! oui, c’est le battant de cloche qui tinte impitoyablement dans ma cervelle depuis hier soir… Et pourtant, je n’ai plus rien à faire avec cet homme… plus rien… Il était celui que le Destin me désignait ; j’en ai la certitude aujourd’hui. Il devait être à moi ; je devais être à lui. Deux fois il a croisé ma route en marchant ; mais voilà, nous ne nous sommes jamais regardés ensemble. Il m’a reconnue trop tôt, et moi je l’ai reconnu trop tard. Ensuite, je me suis retournée et je l’ai appelé ; mais il était déjà trop loin ; ma voix ne lui arrivait plus… Il marche, il marche de son côté ; il disparaîtra bientôt tout à fait de l’horizon ; et moi je reste seule, assise au bord de la route… Ainsi, il y aura deux vies perdues ; la mienne du moins. Quant à la sienne ? oui, je peux le répondre hardiment. Quelque chose de supérieur y aura manqué ; quelque chose qui aurait pu très bien y être…

Je me lève brusquement, pour rompre cet envoûtement malsain. Non, je ne veux plus jamais revoir les témoins trop bien conservés de cette période de ma vie… Ils me disent trop de choses quand je les regarde et les touche…

L’omnibus du chemin de fer s’arrête, je crois, devant