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moitié des gens aurait déjà filé. Pour moi, c’est un autre motif qui m’empêche de quitter ce lieu asphyxiant ; je cherche à apercevoir, dans le moutonnement des têtes, le visage, mat et rasé, du maître de maison, et je ne le découvre pas… Des femmes m’entourent, qui sont affligeanies à regarder. Quatre ou cinq sont jeunes et jolies, ou sinon absolument jolies, du moins bien présentées, avec des coiffures amusantes, et des silhouettes à la Paul Iribe, ou à la Fabiano. Mais à côté d’elles, Seigneur ! voici des matrones de cinquante et soixante ans, ou trop grosses, ou d’une maigreur ravagée, dont les bajoues, les rides, les cous engoncés, les paupières pochées, se cachent — non ! se soulignent — de blanc gras, de mascaro et de rouge offensât, sous des tignasses jaune serin, ou acajou comme celle de Mme Barral. Elles respirent avec peine, étayées par de solides corsets, malgré la mode des robes lâches. À qui croient-elles donc faire illusion ? Non, vraiment, le charme, la coquetterie des Parisiennes qui enthousiasme les romanciers a son côté terrible : c’est que ces malheureuses ne savent pas vieillir. Elles semblent condamnées à traîner leur étiquette de jolies femmes, jusqu’à n’être plus que des cadavres maquillés qui épouvanteraient les nègres du Sénégal, mais n’offen-