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yeux clignotants, ayant gardé leurs vastes feutres et leurs gilets à lourdes broderies celtiques ; et, à côté d’eux, des voyous en chandail, l’échine fuyante, la cigarette collée au coin de la bouche, retirant d’ailleurs poliment leur casquette, d’une main enjolivée de tatouages, dès qu’ils entrent dans l’ombre du sanctuaire, piquetée de lumières fauves. Dès l’entrée, tout ce monde s’immobilise, comme intimidé, se tassant au même endroit, et piétinant en cherchant à se hausser par-dessus l’épaule du voisin pour « voir quelque chose ». Le rugissement des orgues tombe de la tribune comme un lourd manteau d’harmonies sombres. De temps en temps, passe dans le troupeau une phrase chuchotée en sourdine : « Où c’est qu’il est Amette ?… — Là-bas, à gauche, sous le dais qu’a des plumes… — Faudrait avancer dans le chœur ; comme ça on serait au premier rang tout à l’heure quand il passera pour la bénédiction… — Tout le monde a le droit d’y embrasser son anneau, tu sais ! — C’est pas si bath qu’à Notre-Dame, tout de même ; c’est là que les gosses chantent bien ! ça fait pleurer… »

Les Bretons, eux, ne soufflent pas mot ; ils moutonnent à mesure qu’ils arrivent derrière un vicaire qui les gourmande à voix basse, dans leur rude et