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COLLOQUE SPIRITUEL

J.-C. — Les habitants de ce rocher sont très-chers au cœur de Dieu, et surpassent là perfection de tous les autres, parce qu’ils se sont offerts et donnés complètement à leur bon Maître, qui fait d’eux tout ce qui lui plaît dans le Temps et dans l’Eternité.

Henri. — Seigneur, que nous serions heureux, si nous avions beaucoup de pareils serviteurs de Dieu dans le temps où nous sommes !

J.-C. — Comment veux-tu qu’il y en ait beaucoup ? tu vois le petit nombre de ceux qui savent et veulent pour l’amour et l’honneur de Dieu renoncer sincèrement aux biens temporels et se détacher d’eux-mêmes. Sans cela peut-on se reposer véritablement en Celui qui est infini, ineffable, éternel ?

Henri. — Sans doute que les richesses et les biens temporels empêchent ce saint détachement. Beaucoup pensent qu’on ne peut arriver à l’union avec Dieu, si on n’abandonne complètement le monde ; mais n’estce pas là une erreur ?

J.-C. — Celui qui veut arriver à ce rocher, doit se dépouiller de tous les biens temporels, autant qu’ils sont un obstacle à l’union de Dieu et de l’âme, parce que l’âme appelée à cette perfection, ne peut y atteindre s’il y a quelque chose entre elle et son principe. Quand on conserve ses richesses, il faut les mépriser, ne pas s’y attacher, et en user comme si on ne les possédait pas, ne recherchant jamais son bien-être en elles, ne leur empruntant que le nécessaire de la vie et employant tout le reste à la gloire de Dieu.

Henri. — Il faut une grande vertu pour posséder