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À SUSE.

Dame ! quand on a un chapiteau et des Immortels sur les bras ! Bref, je lui demandai de nous louer des mulets.

« Ceux que je possède sont trop maigres et ne pourraient traîner vos charrettes, » répondit-il.

Un mot d’ordre sévère a été donné, personne ne l’enfreindra. Papi Khan est aussi reconnaissant qu’un nomade peut l’être et il ne s’exposerait pas, sans de bien graves motifs, à voir tarir la source du médicament qui rend la santé à son fils unique.

Nous ne pouvions demeurer plus longtemps dans l’incertitude : Marcel fit appeler Ousta Hassan, notre grand augure, et lui ordonna de se rendre à la ville, afin de tenter un suprême effort auprès des muletiers.

Le digne maçon rentrait deux jours plus tard, la figure consternée : « J’ai rencontré le chef de mon quartier. Que viens-tu faire ici ? m’a-t-il dit. Les Faranguis ont bien tort de s’inquiéter de caisses, de charrettes et de mulets. Quand ils auront dépensé leur dernier chaï, le Divan ne leur laissera pas emporter une pierre. »

Ousta Hassan retourna la tête de son âne et revint à Suse. Cependant il a mis la main sur un seïd authentique, qui ne craint personne, se moque des mollahs avec la même désinvolture qu’il se rit du hakem, et se trouve, en raison de la grosseur de son turban, dans une situation à ne pas regarder si c’est Allah ou Chitan qui lui propose une bonne affaire.

Un courrier du gouverneur accompagnait Ousta Hassan. Il apportait quelques mots aimables de l’excellent docteur Tholozan et une lettre officielle. Notre chargé d’affaires rappelle à Marcel la convention passée entre la France et la Perse et le terme de la fatale échéance. Le délai du 1er avril expiré, la légation, paraît-il, se désintéressera de nous et de nos affaires.

Voilà une dépêche encourageante !

Marcel profita du courrier pour écrire à Mozaffer el Molk et le prier de ne pas entraver les charrois.

« Je ne pourrai, a-t-il conclu, évacuer Suse au 1er avril si vous m’empêchez d’acheminer les convois au moment propice. »

D’autre part, Mirza, l’un de nos meilleurs ouvriers, s’est dirigé vers la ville avec l’ordre secret de voir le seïd tcharvadar et de l’amener à Suse : « non pour commencer les transports, mais afin d’atteler à la charrette vide les fils d’animaux qui ne connurent jamais que les charmes du bât. »

1er février. — Mirza est de retour. Nos émissaires ne font pas long séjour à Dizfoul. Les nouvelles sont mauvaises, très mauvaises : marchands du bazar, prêtres, ferrachs ont unanimement raconté que, d’après les instructions reçues d’Ispahan, les Faranguis seraient obligés de transporter à Téhéran les objets provenant des fouilles, afin que Sa Majesté puisse les écrémer.