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LES IMMORTELS.

faisait défaut et que le lit de gravier, interrompu par places, livrait passage à des murs de terre fondés à un niveau inférieur. Les pelles, les pioches s’acharnèrent dans les parties dépourvues de cailloux, et bientôt se montrèrent d’énormes massifs lardés de magnifiques briques émaillées. Ils s’appuyaient eux-mêmes sur un mur de briques soigneusement bâti, soutenu par des ruines solides. On avait atteint le palais de Darius, incendié au temps de Xerxès et enseveli quatre-vingts ans plus tard sous la puissante couche de gravier qui portait le palais d’Artaxerxès Mnémon.

Tous les soirs le magasin recevait de trente à quarante dalles blanches, compactes, solides, dont la tranche est couverte d’émaux merveilleux. D’abord apparurent trois briques qui, superposées, donnaient le dessin d’une longue manche ; plus tard des pieds noirs chaussés de brodequins jaunes, des jambes et des mains noires.

Aidé du sujet et de la découpe des joints, Marcel a reconstitué des fragments de personnages ; puis, réunissant ces fragments, il est arrivé à remonter deux guerriers de grandeur naturelle. Par malheur, deux assises, l’une au milieu de la poitrine, l’autre à la hauteur du visage, font encore défaut.

Le tableau représente des archers vus de profil, en marche, la javeline à la main, l’arc et le carquois sur l’épaule. Les uniformes, de couleurs différentes, sont taillés sur le même modèle : jupe fendue de côté, chemise courte, serrée à la taille par une ceinture, veste fermée sur la poitrine. Les manches de ce dernier vêtement, ouvertes du poignet au coude, laissent passer les plis nombreux de la chemise. Un riche galon court autour des étoffes. La tête est couronnée d’une torsade verte rappelant la corde de chameau qui ceint encore le front des Arabes. Oreilles, poignets, sont chargés de boucles et de bracelets d’or ; des chaussures, d’un beau jaune, se boutonnent sur le cou-de-pied. Les étoffes des uniformes sont d’une étonnante richesse. Le premier de nos guerriers porte, sur la chemise pourpre foncé, une veste et une robe jaunes, brodées de marguerites bleues et vertes ; le second est vêtu d’une étoffe blanche semée d’écussons noirs sur lesquels se détache la citadelle de Suse. Des pièces isolées donnent les échantillons de robes blanches semées de fleurs ou d’étoiles, des chaussures bleues et des manches jaune uni.

Seul le type du personnage ne varie pas : la peau est noire ; la barbe, à reflets bleutés, encadre de ses boucles des lèvres minces, lisérées de carmin ; les cheveux sont ondulés.

Quel admirable modelé ! quel noble et large dessin ! quelle technique surprenante de simplicité et de puissance ! Le développement de la tête, des épaules et du thorax, le dessin des pieds, la jupe qui se drape sur la jambe, les grands tuyaux des manches, rappellent à mon souvenir l’art éginétique. Quand les sculpteurs grecs s’avisèrent