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À SUSE.

produits de la Grande-Bretagne. L’argument est topique… pour l’avenir. Aujourd’hui Obock coûte chaque année plus de quatre cent mille francs et reçoit, en fait de marchandises françaises, du charbon de Cardif, apporté par des bateaux construits sur la Tamise, chargés à Swansea et qui n’ont de français que le pavillon, l’équipage et un port d’attache où ils relâchent de temps à autre, afin de toucher la prime à la navigation. Observateur impartial, je dois ajouter qu’il existe pourtant une grande différence entre les charbons anglais d’Aden et les charbons, non moins anglais, d’Obock. À Aden la tonne coûte vingt francs de moins et arrive à bord des navires cinq fois plus vite qu’à Obock.

Les colonies ne se nourrissent pas seulement de charbon : l’agriculture, l’industrie nationale, le commerce vivent de nos conquêtes lointaines. Si nous causions de l’agriculture ? Elle ne saurait être bien prospère dans un pays pourvu de torrents sans eau, de rochers sans terre végétale, d’une atmosphère sans nuages, d’un soleil sans pitié ni merci.

Restent le commerce avec le Choa et l’Abyssinie, les caravanes, la poudre d’or, les dents d’éléphant, les blés, les orges !

Je touche ici aux plus graves questions.

Malheureusement l’avenir commercial de notre colonie est aussi précaire que ses destinées agricoles. Une chaîne de montagnes difficile à franchir sépare Obock des routes de caravanes conduisant en Abyssinie, barre le passage à l’Aouach, grande rivière qui seule eût permis d’effectuer des transports économiques, et ferme l’accès de cette partie du littoral au profit de Tadjoura, situé plus au sud.

Nous sommes, assure-t-on, dans les meilleurs termes avec le roi du Choa, Ménélik, vassal de Sa Majesté le roi Jean d’Abyssinie. Ce prince cherche même à nouer d’amicales relations avec la France.

Encore faut-il atteindre Kaffa, la capitale de bambous et de roseaux de notre futur allié. Ce n’est point petite affaire. Une caravane emploie six grands mois à s’organiser, et, dès qu’elle est partie de Tadjoura — non d’Obock, — elle est aux prises avec des difficultés sans cesse renaissantes. Si la paix règne parmi les tribus somalies campées entre nos possessions et la frontière du Choa, quatre-vingt-dix jours seront insuffisants pour parcourir les quatre cent cinquante kilomètres qui séparent Kaffa de la côte. Dans le cas contraire, les belligérants rançonneront à tour de rôle les voyageurs et ne laisseront aux plus fortunés que des yeux pour pleurer sur leur imprudente aventure.

Que peut-on importer au Choa ?

L’Abyssinie, pays très montagneux, coupé de fertiles vallées, produit en abondance fruits, céréales, fourrages, plantes textiles. Seul le sel fait défaut. S’il arrive sous forme de blocs réguliers, durs et bien taillés, il est considéré comme une monnaie d’aussi bon aloi que les thalaris d’argent frappés à l’effigie de Marie-Thérèse ;