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L’IMAM DE MASCATE.

peu nombreuse, une police payée par les négociants, suffisent à maintenir le pays et la ville dans le calme le plus parfait. Mascate est une des rares cités de l’Orient où l’on jouisse d’une sécurité complète et que l’on puisse parcourir sans danger à toute heure de jour et de nuit.

Le sultan mène de front affaires et plaisirs. Sa Majesté trafique, brocante, charge ses nombreux navires de denrées d’un écoulement facile, achète aux Indes les marchandises utiles à ses sujets et fait noblement concurrence aux négociants banians, obligés d’acquitter les droits de douane dont s’exonère leur rival.

Comme son propriétaire, la résidence a deux aspects : par la simplicité des façades et par son étendue elle ne diffère guère d’une habitation privée ; mais la demeure souveraine se décèle dès la porte, cette partie si essentielle des palais orientaux qu’elle paraît en résumer l’activité et l’influence. La baie monumentale, entourée d’une élégante archivolte de pierre sculptée, est fermée par des battants massifs ; une foule bariolée de gardes et de clients encombre les abords ; des lions bien vivants frappent de leur queue frémissante les barreaux de cages ménagées derrière les huisseries.

La tradition a les reins solides dans le pays du soleil ! Cette porte qui nous surprend par son aspect solennel n’est-elle pas la copie des entrées de Dour Sarioukin et des grandes villes assyriennes ou juives ? Sous ces voûtes épaisses s’assemblaient les vieillards qui rendaient la justice, les agriculteurs partant pour les champs, les soldats revenant de la guerre, oisifs et curieux aussi fiers de conter leurs exploits que d’écouter les nouvelles et les cancans. Les anges de Sodome y trouvèrent Loth ; Mardochée y apprit le complot de Bagathan et de Tharis contre la vie du roi.

Et ces lions, comme ils me rappellent bien les fauves conservés, pour les chasses royales, dans les palais d’Assour-banipal ! Comme elles paraissent vécues, les aventures extraordinaires de Daniel !

L’Imam accueille avec affabilité les étrangers. Dès leur entrée, les hôtes sont aspergés d’eau de rose avec une telle prodigalité, qu’ils ne sauraient échapper aux mains des serviteurs chargés de ce soin sans contracter une migraine de huit jours. L’état-major est gratifié de sorbets et de halwa, sorte de confiture analogue au rahat-loukoum des Turcs, tandis que l’équipage du navire reçoit, de la part du sultan, des moutons exquis, deux charges de cucurbitacées et enfin des gousses, semblables à celles du haricot vert, produites par un arbre indigène. Le quinquina paraît sucré auprès de ce légume rafraîchissant.

L’Imam habite Mascate pendant les mois d’hiver ; il n’y fait jamais un long séjour. Son harem, étroitement installé, préfère à une demeure insuffisante les bois de palmiers qui s’étendent au-dessus du port de Mattrah. Moins bien