Page:Susejournaldes00dieu.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée
119
DIZFOULIS.

la crête des remblais, au risque de dégringoler avec les terres qui s’éboulent, et ne rentrent au tombeau de Daniel que pour se quereller ou se battre. Une aisance même relative ne saurait être le lot de ménages où seul le mari travaille et gagne quelques chaïs. Aussi bien les Dizfoulis, la plupart du temps inoccupés, souvent payés en bourrades, sont-ils condamnés, leur vie durant, au pain d’orge et à l’eau boueuse. Nul cependant n’oserait demander à sa femme de pétrir et de cuire.

ENFANT DIZFOULI.

Depuis notre arrivée, les ouvriers auraient pu modifier leur ordinaire : la farine coûte six sous les sept kilogrammes, les œufs deux sous la douzaine, les herbes comestibles ou les chardons la peine de les cueillir. Mais les uns poursuivent la même chimère que Dor Ali ; les autres espèrent, grâce à leur sagesse et à leur économie, savourer, ne fût-ce qu’un jour, les jouissances favorites des classes riches.

Parmi les Dizfoulis qui sont venus s’engager sous la bannière d’Ousta Hassan, il ne s’en trouve pas dix qui n’aient demandé un congé afin d’aller, « de peur des Arabes », porter à la ville le fruit de leur labeur. Ils reviennent tout de neuf habillés, flambants comme des princes, enduits de henné des cheveux aux ongles des pieds, preuve qu’ils se sont accordés, après les douceurs du hammam, de fugaces amours, et montrent des figures d’enfants heureux quand je me refuse à les reconnaître.


Bien peu négligent de nous offrir au retour trois ou quatre madanis (citrons doux) ou quelques gâteaux enveloppés dans un pan d’étoffe très sale.

« L’or que le riche tire par quintaux de ses coffres n’a pas le mérite de l’obole donnée par l’artisan. Chacun mesure le fardeau à ses forces ; une patte de sauterelle est lourde pour la fourmi. »