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Je demande grâce pour les badinages familiers que contiennent les premiers fragments que je vais citer. Leur caractère intime appelle naturellement l’indulgence. Je n’ose les supprimer, parce qu’ils peignent merveilleusement le caractère primordial de mon frère, et que le développement successif d’une telle intelligence me semble intéressant à suivre.

Dans sa première lettre, après avoir énuméré ses frais d’emménagement (détails qui n’étaient à autres fins que de prouver à notre mère qu’il manquait déjà d’argent), il me confie qu’il a pris un domestique.

« — Un domestique !… y penses-tu, mon frère ?

 » — Oui, un domestique. Il a un nom aussi drôle que celui du docteur. Le sien s’appelle Tranquille, le mien s’appelle Moi-même. Mauvaise emplette, vraiment !… Moi-même est paresseux, maladroit, imprévoyant. Son maître a faim, a soif ; il n’a quelquefois ni pain ni eau à lui offrir ; il ne sait pas même le garantir contre le vent qui