Page:Surville - Balzac, sa vie et ses œuvres, 1858.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
balzac

pleura bien fort quand on lui dit qu’il ne verrait plus son aïeul, et son souvenir lui resta tellement présent à l’esprit que, longtemps après ce jour néfaste, me voyant prise d’un malencontreux fou rire pendant une réprimande de notre mère, il s’approche de moi, et pour arrêter cette gaieté intempestive qui menaçait de tourner à mal, me dit à l’oreille d’un ton tragique :

— Pense à la mort de ton grand-papa !

Secours inefficace, hélas ! car je ne l’avais pas connu et ne comprenais pas encore la mort !

On le voit, les seules paroles qu’on a retenues des premières années d’Honoré révélaient plutôt la bonté que l’esprit. Je me souviens néanmoins qu’il montrait déjà son imagination dans ces jeux de l’enfance que George Sand a si bien décrits dans ses Mémoires. Mon frère improvisait de petites comédies qui nous amusaient (succès que n’ont pas toujours les grandes) ; il écorchait pendant des heures entières les cordes d’un