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qui établissent la postériorité des torrents. Cela fait déjà pressentir que certains torrents sont d’origine récente, et que les causes qui ont présidé à leur formation, agissent encore de nos jours et peuvent renouveler sous nos yeux tous les phénomènes, accomplis dans les temps passés.

Voyons quels genres de défense on oppose à ces ravages.

Ils peuvent tous se réduire à deux systèmes :

1o Celui des épis ;

2o Celui des digues longitudinales.

Isolé, un épi forme une défense efficace, quand il s’agit de protéger une portion limitée de rive. Il détourne le torrent et le jette directement sur la rive opposée. Mais, à cause de cela même, son emploi présente des inconvénients. Rarement il manque son effet, quand il est bien tracé et bien construit ; mais l’effet qu’on désire est toujours accompagné d’effets hostiles, qu’on voudrait éviter, et qu’il est difficile de prévoir avec certitude.

On peut incliner l’épi vers l’amont ou vers l’aval. Vers l’amont, l’épi résiste mieux et n’est pas aussi aisément affbuillé ; mais il a besoin d’être bien enraciné, ce qui n’est pas toujours chose facile, à cause de la forme convexe du lit. Par ce motif on l’incline généralement vers l’aval.

Considérons maintenant une ligne de défense formée par une suite d’épis, échelonnés le long de la rive. Dans ce cas, ils sont constamment inclinés vers l’aval. Ce système de défense est employé depuis longtemps par les gens du pays[1], et il a rarement été suivi par l’administration. Une ligne de petits épis, disposés de cette manière, présente au courant une série d’obstacles qu’il ne peut pas franchir, et dans l’intervalle desquels il peut néanmoins jeter ses déjections. En se débarrassant d’une partie de ses alluvions, il aide lui-même à former une levée continue, dont les épis ne sont que les premiers linéaments, et au milieu de laquelle ils finissent par disparaître. En même temps que les eaux relèvent ainsi le terrain de la rive, elles affouillent au pied des musoirs, et s’y creusent des gouffres, qui deviennent pour elles autant de points de passage obligés. Ces deux actions s’ajoutent, et le torrent finit par s’encaisser de lui-même. — Enfin, combinés de cette manière, les épis perdent les propriétés émi-

  1. Épis échelonnés sur le torrent de Vachères, — sur la Séveraisse (Valgodemard), — sur la Guisanne, — sur le torrent de Merdanel, près de Valserres, etc.