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du Rabioux, près de Châteauroux, un monastère habité par des Bénédictins. Plus tard, les moines le désertèrent dans la crainte d’un engloutissement. Aujourd’hui on en découvre les ruines, suspendues au milieu des berges vives du torrent[1].

Le plus souvent, l’affaissement du sol se fait graduellement, et cette action est d’autant plus lente et plus régulière qu’elle embrasse une région plus étendue. La grande masse de terrain amortit les mouvements et leur imprime une sorte de continuité. Mais d’autres fois aussi, le sol se détache, et tombe brusquement, comme par l’effet d’une secousse. C’est ainsi que dans la vallée du Dévoluy, il y a quelques années : un lambeau de la montagne d’Auroux, couvert de champs cultivés, s’abîma comme un seul bloc dans la gorge du torrent de Labéoux. La commotion due à cette épouvantable chute fut ressentie jusqu’au village de la Cluse, et les habitants l’attribuèrent à un tremblement de terre. La cause n’était pas ailleurs que dans l’érosion du torrent, qui avait sapé la base du terrain.

Ceci demande une explication.

Beaucoup de terrains sont formés de bancs parallèles, disposés par assises planes, et relevées sur de fortes inclinaisons. Souvent une couche interposée, plus soluble ou moins tenace, se décompose par les infiltrations. S’il arrive en même temps que les bancs supérieurs soient attaqués par le pied, un poids énorme de terrain se trouve suspendu sans support au-dessus d’un gouffre ; la force d’adhésion, étant affaiblie, ne suffit plus pour retenir cette masse, et l’attacher au corps de la montagne. Alors elle se détache en entier, et glisse sur la surface de la couche décomposée, comme sur un plan incliné. — On peut remarquer en effet que de pareils glissements se manifestent fréquemment dans les calcaires du lias, qui se décomposent avec une extrême facilité, et qui affectent la stratification schisteuse : ce genre de terrain est très-répandu ici.

D’autres terrains ont été formés par les débris des parties supérieures de la montagne ; ils composent une masse grossière, sans stratification, et le plus souvent sans consistance, qui recouvre le noyau stratifié de

  1. Sont menacés de la même manière : le village de Lacluse, par Labéoux (Dévoluy) ; — celui des Hières, par le Mauriand ; — celui des Arvieux, par les Moulettes ; — le hameau des Marches, et le hameau des Maisonnasses, par le torrent de Rousensasse, rive droite du Drac (Champsaur).