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mission[1]. Ils se déposent sur des pentes qui varient entre 2 1/2 et 5 centimètres par mètre.

Les blocs, jusqu’à la grosseur d’un demi-mètre cube, se déposent sur des pentes comprises entre 5 et 8 centimètres. Au delà, ils atteignent souvent des dimensions énormes, et, à cause de cela, on les rencontre sur les pentes les plus rapides. Le torrent les abandonne ordinairement au sommet de l’éventail, et il n’est pas rare de trouver, en remontant la gorge d’un torrent, des quartiers de roc, cubant au delà de 50 mètres cubes. Ceux-là sont presque toujours tombés des berges mêmes, ou de quelque casse voisine, et le torrent, quelque puissante qu’on suppose sa force, ne peut guère les déplacer. Plusieurs torrents sont exploités comme de véritables carrières, qui ont sur les autres l’avantage de présenter des blocs déjà détachés de la masse, et d’être d’un accès moins pénible. C’est avec des pierres de taille, exploitées de cette manière, que sont construits la plus grande partie des monuments du département. Il existe même des natures de pierre de taille qui n’ont pu, jusqu’à présent, être rencontrées ailleurs que dans les torrents, tel est le beau calcaire saccharoïde, dont on a fait les sculptures de l’ancienne cathédrale d’Embrun, à une époque antérieure au onzième siècle, et qui n’a pu être tiré que du torrent de Boscodon. — Quant aux blocs qui roulent avec le torrent, et sont mêlés à la masse de ses eaux, ils deviennent, dans les crues, un élément terrible de destruction. Lancés avec violence contre les obstacles qui heurtent le courant, ils les mutilent, et même ils les brisent : c’est ainsi que des ponts en charpente ont souvent été mis en pièces. Quelquefois ces blocs sont chassés avec une telle force qu’ils sautent hors du lit, et tombent à droite ou à gauche sur les rives. D’autres fois ils s’engagent dans la charpente des ponts, après que ceux-ci ont été démembrés par la crue. On peut voir alors, après la retraite des eaux, des masses cubant au delà de 1 mètre cube, suspendues en l’air, à plusieurs mètres au-dessus du lit[2]. Le phénomène de ces projections sera mieux compris tout à l’heure.

Ce qu’on appelle limon est une boue très-fine, mêlée de sable fin. Le

  1. Torrents du Queyras, — du Champsaur.
  2. Torrent de Sainte-Marthe, au pont du même nom, en 1837, — torrent de Chanmatéron, au pont du même nom, sur la route 94, en 1838.