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plus dispendieuse. Pour créer une force, elle en dépense une autre, sous la forme du numéraire. Elle emprunte son principe d’action aux combustibles, qui se consument et sont des matières coûteuses ; au lieu que la modeste roue hydraulique tire le sien d’une eau courante qui coule sans fin et ne coûte rien. L’établissement d’une roue sera toujours plus économique que celui d’une machine à feu, là surtout où le bois est à bon compte. Rien d’ailleurs de plus aisé que de former une chute d’eau sur tous ces ruisseaux de montagne ; car le secret de leur force est dans leur pente, plutôt que dans le volume du courant, et on peut les barrer avec la plus grande commodité, sans qu’on ait jamais besoin de recourir, ni à des dérivations lointaines, ni à ces difficiles barrages en lit de rivière, écueil de la science des ingénieurs.

En revanche, la vapeur a son avantage qui lui est propre et que n’ont point les cours d’eau : elle est locomotrice, dans l’acception la plus large du terme. Non-seulement nous la forçons de travailler en tous lieux ; mais (ce qui est une merveille inouïe jusqu’à nous) nous lui commandons de marcher, et elle marche ; elle anime un appareil mouvant et nous porte partout où il nous plaît d’aller. Par elle, nous avons su donner à des masses de fer et de bois la propriété la plus inexplicable du règne animal, celle-là même qui a fourni aux naturalistes le caractère le plus spécifique pour distinguer la bête du minéral, ou de la plante.

Voilà ce qui assure à la vapeur une place spéciale, dont les cours d’eau ne la déposséderont jamais. Ceux-ci sont cloués à la surface du sol ; nous pouvons les utiliser là où nous les trouvons, sans qu’il dépende de nous de les créer, ni de les charrier avec nous.

De là il suit que les montagnes ont sur les plaines l’avantage de posséder une immense quantité de forces travaillant en quelque sorte spontanément et d’elles-mêmes, et ne coûtant presque rien. Les plaines auront pour elles une force dispendieuse, mais agile, et admirablement disposée pour faciliter les communications. Aux montagnes donc, les machines immobiles et l’élaboration la plus économique des produits ; aux plaines, l’échange rapide des produits, et la circulation perpétuelle des hommes et des choses.

Maintenant, voulez-vous élever les montagnes à leur destination véritable, et réaliser cet avenir pour lequel elles semblent faites plus spécialement qu’aucun autre lieu de la terre ? — Percez-les d’abord par quelques routes commodes, qui, circulant au fond de leurs replis, et pénétrant