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Ce dernier fait complète tout ce qu’on peut dire sur l’influence des forêts. En les voyant s’étaler presque partout sur le corps des torrents éteints, on pouvait supposer que ceux-ci avaient commencé par s’éteindre, et que les bois s’en étaient emparés ensuite, lorsque l’extinction était déjà consommée, et quand le sol d’alentour, devenu stable, permettait à la végétation de s’y développer en sécurité : les forêts n’auraient donc été qu’un des effets de l’extinction, au lieu d’en être la cause. — Mais alors le déboisement n’aurait fait que replacer les choses dans leur état primitif, et le torrent aurait dû continuer d’être éteint après l’enlèvement des bois, comme il l’était avant leur apparition.

— Or, c’est là justement ce qui n’arrive pas. Il a suffi d’éclaircir les forêts pour voir reparaître aussitôt les ravages. — Donc, ce sont les forêts qui, par leur présence constante sur le sol, empêchent ces ravages. — Donc ce sont les forêts qui les ont fait cesser autrefois, en prenant possession du sol — Donc l’extinction des torrents est si complètement leur ouvrage, qu’elle naît, persiste et disparaît avec elles, l’effet cessant aussitôt que la cause.

On voit par là que l’action des forêts ne se borne pas seulement à empêcher la création des torrents nouveaux, mais qu’elle est assez énergique pour détruire les torrents déjà formés ; on voit aussi que les suites funestes des déboisements ne sont pas seulement d’ouvrir partout le sol à des torrents nouveaux, mais qu’elles augmentent la violence de ceux qui existent, et ressuscitent ceux qui paraissent complètement éteints. — On peut donc résumer l’influence qu’exercent les forêts sur les torrents déjà formés en deux faits, parallèles à ceux qui résument leur influence sur les terrains où les torrents n’ont pas encore pris naissance.

1o Le développement des forêts provoque l’extinction des torrents ;

2o La chute des forêts redouble la violence des torrents, et peut même la faire renaître.

Rien n’est encore si facile à expliquer que ces nouvelles actions. — On se souvient quelles sont les causes qui provoquent et entretiennent la violence des torrents : c’est, d’une part, la friabilité du sol ; de l’autre, la concentration subite d’une grande masse d’eau (ch. XXI). Or, nous savons déjà que les forêts rendent le sol moins affouillable ; nous savons aussi qu’elles absorbent et retiennent une partie des eaux pluviales, et empêchent la concentration instantanée de la partie qu’elles n’absorbent pas. Par conséquent, elles détruisent l’une et l’autre cause. Elles prolongeront