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ARTILLEUR DE LA GARDE

de notre côté. Le tapage était devenu infernal. Murat d’un bord, Ney de l’autre culbutaient les deux flancs de l’ennemi sur son centre et celui-ci formait un point d’appui pour tous les Russes qui, maintenant, voulaient percer, par le milieu, la ligne de bataille des Français. Si ce n’est pas cela, si je n’ai pas bien vu ce qui se passait, prenez-vous-en à la poussière dont l’air était chargé.

Napoléon fit signe d’amener son cheval et monta en selle avec nonchalance. Je l’avais vu plus alerte que cela en Italie !



Le maréchal Lefebvre duc de Dantzig qui commandait la Garde, adressa des ordres aux chefs de corps. Tout se redressa : le frisson qui animait nos vétérans électrisait jusqu’aux chevaux.

Un nuage immense, composé de poussière et des fumées de la poudre s’étendait partout, mais nous distinguions la marée montante des Russes qui arrivait sur nous.

Napoléon se tournant vers le maréchal Lefebvre, lui dit : « Allez ! »

Lefebvre sauta à cheval, tira son épée et d’une voix éclatante, avec des éclairs dans les yeux, il cria

— En avant, la Garde ! toute la Garde !

Ce fut un coup de théâtre. Mes canons crachèrent trois fois sur la marée russe, puis les cavaliers passèrent, comme des torrents déchaînés, entre nos batteries pour se ruer sur les masses sombres que la mitraille et les boulets avaient arrêtées un instant dans leur marche. Après cela vinrent les corps d’infanterie, l’arme au bras,