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ARTILLEUR DE LA GARDE

midi juste, l’empereur arrive, la goûte, la trouve bonne, en mange et la Garde (trente-six mille hommes de toutes armes) commence à chanter victoire : il avait mangé de la soupe du soldat !

Napoléon les remercie d’un geste amical et, choisissant un tout petit monticule de sable, il s’y asseoit, en nous regardant, comme s’il eut été dans un salon.

Le canon se mettait à gronder avec fureur sur notre droite. Je comprenais très bien que nos deux ailes étaient engagées contre l’ennemi et que la Garde, placée au centre et en arrière de cette longue ligne de bataille, servait de réserve pour porter le coup de la fin.



Les aides de camp arrivaient, de minute en minute, rendre compte de ce qui se passait, et souvent ils demandaient le secours de toute ou partie de la Garde, mais l’empereur fouettant le sable de sa cravache, répondait toujours :

— Non, non ! suivez le plan convenu.

Le temps s’écoulait. Napoléon avait l’air bien ennuyé ; de fait, il était malade. Nous attendions les événements — à peu près aussi rassurés que des hommes exposés à être pendus.

Très amusant la guerre !



Les nuages de poussière, le fracas de l’artillerie, les trépidations du sol sous les pas des chevaux, tout cela se