Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
HISTORIETTES ET FANTAISIES

conquêtes commencent, il écrit à sa femme que tout va mal tourner — et il était prophète. Napoléon, de 1796 à 1807, se défendant, est sublime. De 1808 à 1812, attaquant, c’est un autre homme. De 1813 à 1815, il est de toutes formes et couleurs. Tombé, il fut grand encore une fois.

Pion nous dit que l’armée pressentait la chute, dès 1812, en marchant sur Moscou. Et il va plus loin, il affirme que, en 1808, les officiers supérieurs exprimaient déjà leur mécontentement, si bien que, de grade en grade, en descendant toujours, ce sentiment atteignit le dernier rang. Il devait en être ainsi, du moment que les favorisés du sort étaient les premiers à se plaindre de la continuité des guerres.

La bataille de la Moskowa (7 septembre 1812), racontée par Pion, est à lire. J’abrège, je condense le récit en peu de lignes :

Depuis trois jours, on disait : « C’est visible, une grande affaire va avoir lieu. » Cela ne nous faisait ni chaud ni froid. Quand on a vu Rivoli, Austerlitz, Iéna, Wagram, etc, c’est toujours la même sarabande : à droite, à gauche, en arrière, en avant, immobile, pressez le pas, tirez, ne tirez plus ! Eh bien ! vous concevez, on ne tient pas compte de ceux qui tombent autour de nous.

Le matin en question, calme complet dans l’artillerie de la garde — et pourtant, il y avait des tremblements de terre sur notre gauche : c’était la cavalerie de Murat qui se démenait.

La bataille était engagée avec les Russes, sur quatre lieues de terrain, où l’ennemi se présentait partout, et nous n’en savions rien.

J’ordonne la soupe, comprenant bien que nous ne pouvions nous battre le ventre vide. La soupe servie, à