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ARTILLEUR DE LA GARDE

— Qui diantre vous a fiché ici avec des pièces de six ! c’est absurde.

— Mon général, c’est un aide-de-camp de l’empereur.

— Ah ! Parfaitement. Les mazettes parlent ordinairement au nom de l’empereur. Rétrogradez au galop et plantez-moi vos canons sur cette pointe, là, voyez-vous ? et tirez à feu roulant sur les colonnes qui vont déborder de ce côté.

Pion, docile, rassemble ses attelages, lance toute la boutique en avant et prend possession de la pointe de terre. Aussitôt arrive une ordonnance :

— Pas de ça ! descendez la côte. Barrez l’avenue où passent les convois de l’ennemi !

— Triple galop ! En avant ! houp !

On barre l’avenue et on attend. Pas de convois visibles, parole de Pion !

Trente minutes plus tard, l’empereur survient, s’arrête et dit :

— Qu’est-ce que c’est que cette manigance ? Repliez-vous sur la Garde ! Rien à faire ici.

La bataille était gagnée.



Ordres et contre-ordres, c’est le service. Rester impassible et obéissant, au milieu de ce bazar, caractérise le vrai soldat.

Les hauts panaches savent ce qu’ils font ; les soldats doivent songer à bien faire ce qu’on leur ordonne.

Pion ne regardait Napoléon que comme un général connaissant sa besogne ; empereur, il ne l’aimait pas. À la tête de l’armée, il l’acceptait. Aussi, jusqu’à 1808, il est assez content — mais dès que les guerres de