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LE RÔTI SANSPAREIL

La poule d’Inde ayant disparu dans l’outarde, mettez le bloc dans un pot d’une capacité convenable, avec oignons piqués de clous de girofle, carottes à votre choix, petits dés de jambon, du céleri, quelques herbes de votre goût — de la mignonnette par exemple — force bardes de lard bien assaisonnées, poivre, sel, épices fines, coriandre (curry pour les Anglais) et une ou deux gousses d’ail, si vous y tenez, mais l’ail n’est pas indispensable, et du reste les Canadiens ne le tiennent pas en bonne odeur.

Le pot ainsi préparé doit être fermé hermétiquement par une couverture de grosse pâte.

— Et maintenant, dites-vous, c’est l’instant de livrer bataille. Feu partout !

Non pas ! Petit feu soutenu seulement ! Un four ou un bon poêle chauffé avec modération, au même degré, durant dix heures — voilà la chose. Ni ardeurs ni défaillances, je vous en prie ! Un feu doux, consciencieux, d’allures régulières. Ah ! n’allez pas commettre… j’allais dire un délit grave — en sortant des sages mesures que je vous indique. Parvenu à la treizième farce, il n’y a plus de badinage.

Au moment de servir, découvrez, tirez la pièce, dégraissez au besoin, et dressez sur un plat chaud.

Plus on est de convives plus on goûte ce régal de roi, et le tout est mangé, car le tout est bon. Celui qui trouve l’olive enfermé au fond de tous ces êtres mérite les honneurs de la séance. Quant au cuisinier, il rêve d’une renommée universelle, et aspire à être le représentant des meilleurs rôtis, dans un comté de gastronomes.

Ce n’est plus le poulet dit à l’ivoire avec ses larmes de citron sur la peau, ni la dinde et ses sots-l’y-laisse, ni le chapon poêlé avec son jus trop fort, c’est le « rôti sans-