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LE RÊVE DU CAPITAINE

— Nous n’avons pas lieu de nous plaindre. Les aventures et les périls ne nous ont pas fait défaut, mais, Dieu merci, tout s’est bien passé. En plus, nos drapeaux sont victorieux. Yankees, tempêtes, neige, maladies, navigation difficile, en avons-nous traversé ! et sans une égratignure, ni vous ni moi.

— Oui, répondit Howard d’un air mélancolique, mais gare à moi ! c’est aujourd’hui le 15 décembre 1814…

— La journée est assez avancée pour que nous la regardions comme passée. Du reste dès demain, nous rentrerons à Kingston pour n’en plus sortir que pour notre retour en Angleterre.

— Pauvre Annie ! que j’ai hâte de lui prouver combien ses craintes étaient mal fondées, et que j’éprouverai de joie à lui raconter le rêve fantastique dont j’ai été préoccupé depuis si longtemps… mais, ajouta-t-il en se remettant à réfléchir, je redoute les quelques heures qui s’écouleront d’ici à demain matin…

Crawford, s’il m’arrive malheur, souvenez-vous, je vous prie, que je veux être enterré à Waterton et que vous devez remettre ce bijou à Annie. Vous y joindrez cette lettre que j’ai écrite hier et qui lui raconte tout ce que vous savez au sujet de mon rêve.

— Bah ! dit l’autre, il est onze heures et demie du soir, je puis vous promettre tout ce que vous voudrez, car avant minuit nous aurons à peine le temps de fumer une pipe, et rien n’annonce le moindre danger.

— À votre aise, mon ami…

Sa phrase fut interrompue par plusieurs voix qui venaient de la terre, appelant au secours. C’étaient des soldats anglais prisonniers de guerre qui s’étaient échappés du camp américain, aussi à peine cette circonstance fut-elle comprise que Howard fit mettre la chaloupe à l’eau et sauta dedans avec deux hommes