Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voûte céleste. Le capitaine Howard vient de quitter son cadre, se sentant réveillé par un étrange travail d’esprit, et il se promène sur le pont plongé dans une profonde inquiétude ou plutôt un trouble difficile à analyser. Cette contenance frappa l’officier de quart qui ne put s’empêcher de lui dire ;

— Qu’avez-vous donc, capitaine ? vous êtes morose et abattu à l’extrême.

— Crawford, croyez-vous aux songes ?

— Comment, si j’y crois ! mais oui, est-ce que je ne rêve pas souvent moi-même ?

— Ce n’est point là ce que je veux dire. Seriez-vous d’opinion, par exemple, que les rêves reflètent parfois d’avance des événements qui nous concernent, en un mot qu’ils nous prédisent l’avenir ?

Un franc éclat de rire fut la réponse de Crawford.

Son ami lui tourna le dos, non pas de dépit, mais pensant plutôt l’avoir blessé en le supposant capable de pareilles idées. Crawford le laissa revenir de son côté au cours de sa promenade et, très amicalement, lui demanda de s’expliquer.

— Car enfin, dit-il, je ne puis concevoir que vous attachiez quelque importance aux visions du sommeil.

— Puisque c’est ainsi, je vais vous raconter ce qui m’est arrivé.

Et plus gravement :

— Cette nuit, j’ai vu ma fiancée.

— Eh bien ?

— Je l’ai vue comme je vous vois.

— Quoi de plus ordinaire que ce songe !

— Ah ! vous allez comprendre, c’est plus que vous ne devinez. La vision m’est apparue au milieu d’une nuit pure et calme, dans un lieu que je ne connais pas, en apparence loin de l’Europe, en tout cas un pays nouveau,