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Tout récemment, madame Faber avait envoyé à l’encan sept ou huit pièces de ferblanterie, inutiles dans sa cuisine.

— Ou en retirera ce que l’on pourra, se disait-elle ; j’en serai débarrassée.

Le soir, à six heures, monsieur arrive tout guilleret, traînant à sa suite les vieilles tasses et les terrines bosselées.

Un astre favorable l’avait conduit juste à point chez l’encanteur, aussi son choix avait-il été vite fait — et à si bon marché !

Lorsque le pavillon rouge flotte à la fenêtre d’un domicile quelconque, vous voyez arriver, respectivement, le visiteur curieux qui inspectera tout, de la cave au grenier, et s’en ira, à l’heure de la vente ; le visiteur affairé qui jette son dévolu sur un article de son goût et part en chargeant une connaissance de le lui acquérir ; l’ami de la maison qui surveille les opérations dans l’intérêt de la famille ; un jeune ménage qui a besoin de toutes choses ; un vieux garçon amateur de gravures ; le bibliophile qui flaire des raretés ; des gens désœuvrés venant là pour faire un bout de causerie ; la marchande de bric-à-brac qui va guetter les bons lots de sa partie — et bien d’autres personnes que vous connaissez depuis Adam et Ève, car les encans datent de leur temps, pour le moins.

Remarquez ceci : il n’y a pas d’étrangers ; tout ce monde s’est déjà vu dans les mêmes circonstances.

Pénétrez-vous pour la première fois dans ce cercle, de suite vous êtes signalé à l’attention générale. Les gens que vous avez rencontrés la veille ou le matin même, viennent vous serrer la main comme dans une rencontre solennelle et importante ; on se sent sur un terrain nouveau ; un brin d’initiation est indispensable dès la porte d’entrée de cette franc-maçonnerie. Les