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détachaient les branches du ghi à l’aide de la faucille d’or : ils étaient loin de soupçonner que, vingt siècles plus tard, quelques strophes chantées dans une langue nouvelle (le français) par une troupe de campagnards ou de citadins, au milieu des neiges et des frimas d’une contrée perdue au delà des mers, serait à peu près tout ce qui resterait de leurs rites et des dogmes célèbres qu’ils professaient.

Il ne nous reste pas un grand nombre de coutumes du temps de Brennus, de César ou même de Charlemagne. La langue de nos pères les Gaulois, a péri presque tout entière. N’est-il pas étonnant que de simples couplets, quelques amusements, une légende, un bout de croyance, toutes choses futiles à ce qu’il semble, se conservent à travers les âges et voient naître, puis disparaître successivement les mœurs, les habitudes, le langage, les institutions, le costume, le mode d’existence de la race à laquelle ils sont attachés !

Qu’est devenue la langue celtique que nous parlions il y a deux ou trois mille ans ? Elle s’est réfugiée dans un coin de la Bretagne, en Irlande, au pays de Galles, dans les montagnes de l’Écosse — et encore n’est-on pas bien certain que les dialectes enracinés sur ces divers points de l’Europe correspondent exactement à celui dont on a fait usage dans la grande Gaule, surtout aux environs de Chartres.

Où sont les demeures, la religion, les armes, les vêtements des compagnons de Brennus, de Vercingétorix ou de Mérovée ? Personne n’en a gardé le souvenir et nous n’en connaissons que ce qui nous est enseigné par les écrivains de l’époque.

Mais une chanson reste ! Un jeu populaire résiste aux assauts du temps. La guignolée a ses quarante siècles, comme les pyramides d’Égypte.