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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

les autres citoyens. Ceux des moines qui avait fait des études, comme le frère Lyonnais, prirent la soutane et furent ordonnés prêtres ; ceux qui avaient une instruction suffisante, dirigèrent des écoles, et les autres s’occupèrent de travaux mécaniques ou d’agriculture. Chose assez extraordinaire ! la langue empoisonnée de la calomnie ne chercha jamais à ternir la réputation de ces hommes vertueux. »

Parlant du Père Berey, dernier supérieur des récollets en Canada, le même auteur dit : « On lui reprochait d’être par trop courtisan. On oubliait que, issu d’une famille noble de France, il se trouvait à sa place dans la société qu’il avait fréquentée depuis son enfance et que, si dans les salons anglais, son habit de moine et son capuchon lui faisaient prêter le flanc à la raillerie, d’un autre côté, ses manières, ses connaissances étendues, son esprit fin, délié et sarcastique en faisaient un jouteur que personne n’attaquait impunément. Il dînait même au mess des officiers de l’armée anglaise, où ses saillies, ses bons mots, ses reparties vives étaient très appréciées. » Il n’est pas certain que M. de Gaspé soit dans le vrai au sujet de la famille de ce religieux. Benjamin Anceau sieur de Berry, habitant des Trois-Rivières en 1658, paraît avoir été le père de François de Berry ou Berey sieur des Essarts que nous trouvons officier dans les troupes aux Trois-Rivières en 1703. M. l’abbé Tanguay dit que ce dernier fut le père de Félix Berey, baptisé à Montréal le 10 juin 1720, sous le nom de Claude-Charles, et que cet enfant prit le nom de Félix à l’époque de son ordination en 1743 : c’est le père supérieur des récollets. Le rôle politique de ce personnage, il a été assez peu « canadien » et l’esprit qu’on lui reconnaît ne l’excuse pas de sa lâcheté nationale. Il recevait du gouvernement anglais une pension de cinq cents louis et menait grand train. M. de Gaspé raconte que le père Berey disait parfois : « lorsque j’étais colonel de dragons » ; cela nous surprend, puisque, de sa naissance à Montréal en 1720 jusqu’à son entrée dans les ordres en 1743, il n’avait pas dû avoir le temps de gagner ses éperons. Il mourut le 18 mai 1800, deux mois après le père Cazot, ouvrant ainsi la succession des récollets en même temps que s’ouvrait celle des jésuites.

L’almanac de Québec, année 1797, ne nous fournit que deux noms pour la maison des jésuites à Québec : le père Cazot et monsieur Malavergne. Il indique quatre récollets : à Québec le père Félix Berrey, commissaire provincial ; le père Louis Demers, supérieur à Montréal ; le père D. Pétrimoulx, vicaire à Saint-Pierre du Portage, et le père Chrysostôme Dugast, missionnaire à Saint-Michel d’Yamaska. Un frère récollet, du nom de Marc, décédé vers 1850 à Saint-Thomas de Montmagny, paraît avoir été le dernier survivant de son ordre en Canada.

Lorsque la chambre d’assemblée s’occupa des biens des jésuites, dans la session de 1800, le Père Cazot venait de mourir (16 mars). On le regardait comme le dernier représentant légal des jésuites en ce pays, mais c’était par tolérance parceque, ordonné prêtre plus de six ans après la capitulation de Montréal, on pouvait lui refuser le privilège concédé à son ordre par le document en question, surtout après que le pape eut aboli (1773) la société à laquelle il appartenait. Le dernier prêtre jésuite du Canada de date antérieure à la cession du pays avait été le père J.-B. Well, décédé à Montréal le 18 juillet 1791. Lorsque le père