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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Et que dire de la Californie ! En 1849, à l’annonce de la découverte des mines d’or, un flot de Canadiens se dirigea vers la côte du Pacifique. Plusieurs sont revenus. D’autres ont fondé des familles et se sont multipliés dans ce paradis de l’Amérique. Le touriste y rencontre des villages canadiens, des exploitations agricoles ou industrielles qui font honneur à notre race. Les Beaudry et les Giroux sont les principaux hommes parmi ces intrépides fondateurs de villes.

Prudent Beaudry, de la famille de ce nom si bien connue à Montréal, alla s’établir à Los Angeles, Californie, en 1852 et y fit du commerce avec succès. Il revint en 1855, organisa une compagnie de volontaires, à Montréal, et se livra au commerce comme de coutume. Au bout de six ans, il était de nouveau à Los Angeles, et se mettait à exploiter des mines d’or et d’argent ; puis il acheta des terrains, les revendit, accumula une belle fortune, se vit à la tête de plusieurs entreprises publiques, devint maire de Los Angeles — et à l’heure où nous écrivons il jouit encore de tout son prestige dans cette ville. Son frère Victor, arrivé en Californie à l’époque de la fièvre des mines (1849) se dirigea ensuite vers l’isthme de Panama où il s’occupa d’entreprises de navigation, rejoignit Prudent à Los Angeles et y surveilla les mines de son frère, fut nommé fournisseur de vivres de l’armée américaine en 1861, retourna à Los Angeles en 1865 et se voua à l’exploitation des mines depuis ce moment jusqu’aujourd’hui.

Ainsi, de l’est à l’ouest des États-Unis, nous avons non seulement découvert l’intérieur de ce continent, mais nos gens y ont pris racine partout et s’y sont perpétués. Ils composaient un avant-garde magnifique, qui attendit longtemps le gros de l’immigration française — laquelle ne vint pas. Les Canadiens tentèrent l’impossible pour suppléer à ce manque de patriotisme de notre ancienne mère-patrie. Jusque vers 1840, tout espoir n’était pas perdu. Mais alors, les nations de l’Europe envahirent l’Amérique et ce flot montant couvrit les vastes espaces réservées, au prix des plus lourds sacrifices, à l’élément français. L’ouest devint irlandais et allemand. Toutefois, les Canadiens conservèrent leurs villes, leurs établissements et presque tout leur prestige. Au nord-ouest, nous nous maintenons encore parce que les étrangers y sont arrivés plus tardivement. Vers l’est, la création des manufactures, à partir de 1830, a attiré une foule de nos compatriotes — si bien que leur présence y est à présent un sujet de considération importante dans les calculs des hommes politiques.

Enfin, nous sommes plus de trois cents mille aux États-Unis, formant un corps de nation qui n’a pas dit son dernier mot.