Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Bisson, François Courtois, Alexandre Mackay et Jacques Beauchemin. Déjà, sur tout le parcours du fleuve Mackenzie les localités avaient reçu des noms français qu’ils portent encore aujourd’hui. Les territoires du nord-ouest sont, de notre temps, habités par une population presque toute française, sortie du Canada, et qui sous la forme de trappeurs blancs, de métis, ou bois-brûlés, y maintient nos traditions comme avant la conquête.

Allons plus loin, cependant, suivons les Canadiens jusqu’aux rivages du Pacifique, et cherchons un pays lointain, un endroit écarté où ces courageux pionniers n’ont pas introduit notre civilisation, notre langue, nos coutumes, et où ils n’ont pas conquis sur les Sauvages cette influence surprenante qui frappe les étrangers voyageant aux confins de l’Amérique septentrionale. « Où les Canadiens n’ont-ils pas pénétré ! » s’écriait le Père DeSmet au milieu des Montagnes-Rocheuses. « Tous les Canadiens, disait en 1848, M. Guillaume Levesque, veulent voyager pour voir du pays et comme ils s’expriment, parcourir les pays haut pour rouler parmi les Sauvages, sous l’étoile du nord, ou traverser les montagnes de Roches et peupler la Colombière. »

La Colombière c’est la Colombie anglaise, le terminus de notre gigantesque chemin de fer. Avant tous les autres, nos compatriotes ont connu cette contrée. Avec Lewis et Clarke, en 1805, il y avait des Canadiens qui se sont arrêtés dans la vallée de la Ouallamette et y ont formé des établissements prospères. Citons François Quesnel, François Rivet, Philippe Dargy, Étienne Lussier, François Duprat, Louis Labonté, Joseph Gervais, André Longtin, Michel Laframboise, tous de Sorel ou de Saint-Hyacinthe. Leurs familles sont encore là, heureuses, fières de leur sang français et attendant que l’ancien Canada aille les rejoindre sur le ruban d’acier qui se pose en ce moment à travers les territoires du nord-ouest. On ferait un livre des aventures de ces explorateurs et de ces pionniers incomparables. Deux ou trois noms parmi les plus célèbres doivent prendre place dans ce chapitre.

Gabriel Franchère naquit à Montréal, le 3 novembre 1786. Muni d’une bonne instruction il voulut faire son chemin dans le commerce et s’engagea teneur de livres dans la compagnie Astor. Il partit pour New-York, en 1810, avec une quinzaine de Canadiens et tous ensemble s’embarquèrent sur un bâtiment qui les transporta à la Colombie anglaise, en passant par le cap Horn. Un fort de traite, Astoria, fut fondé dans ce pays sauvage, et alors commencèrent les explorations et les courses périlleuses dans l’intérieur des terres, Les Canadiens étaient en majorité parmi les hommes de la compagnie Astor. On combattait les tribus hostiles, on luttait contre le climat et les mille privations de la vie du trappeur. Nos compatriotes dépassent en constance, en force et en adresse, dans ces rudes entreprises, les voyageurs de toutes les nations civilisées. Les récits de Franchère nous les montrent sous un jour tout à fait romantique. En 1814, l’intrépide explorateur revint au Canada par la voie de terre, coupant le continent presque en ligne droite, et visitant les postes de la compagnie du nord-ouest, où il rencontra partout nombre de Canadiens. À Montréal, il se maria, devint agent de la compagnie dite du Sud, qui trafiquait dans l’Amérique du Sud, puis en 1834, il alla s’établir au saut Sainte-Marie et s’adonna au commerce des fourrures. Vers 1840, il fonda, à New-York la maison Gabriel Franchère et compagnie et se fixa dans