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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

« Après la conquête, écrit M. Tassé, l’émigration franco canadienne continua de se porter dans le nord-ouest. Non seulement elle alla grossir les anciens postes de traite exploités par les Français, mais poussant toujours en avant, elle fournit les premiers groupes de colons de la plupart des États de l’ouest, ainsi que de la rivière Rouge du Nord. Elle ne s’arrêta que sur les bords de l’océan Pacifique, où elle jetta le germe des importants établissements de Vancouver et de l’Orégon… En 1838 il y avait sept ou huit cents Canadiens dans ce dernier territoire, et vingt ans plus tard l’élément français y constituait encore la majorité de la population. »

Joseph Rolette, fils de Joseph Rolette que nous avons vu figurer à la Prairie-du-Chien, avait reçu de l’instruction. En 1852, lorsque le Minnesota fut constitué en territoire, Rolette devint membre de la législature, avec Antoine Gingras et Norman W. Kitson. En 1856, il représenta Pembina dans le conseil législatif ; c’était l’un des hommes les plus remuants des deux chambres. Sa gaîté, sa générosité, sa bonhomie le rendaient populaire partout. Sa maison de Pembina est devenue historique par les réceptions qu’il y tint. Rolette prit une part active à l’insurrection de la rivière Rouge (1869) et mourut l’année suivante, laissant un souvenir inaltérable chez nos compatriotes du nord-ouest.

Louis Riel était natif du nord-ouest, mais il avait reçu de l’instruction dans le Bas-Canada. En 1838 il entra au service de la compagnie de la baie d’Hudson, voyagea beaucoup, épousa une Canadienne, s’établit cultivateur, construisit un moulin à farine et gagna l’estime de ses compatriotes par ses conseils et l’affection qu’il leur témoigna au milieu de leurs difficultés avec la compagnie de la baie d’Hudson. La question du monopole du commerce des fourrures dégénéra en une prise d’armes (1849) et Riel se plaça à la tête du mouvement. Capable à la fois d’organiser la résistance et de porter la parole, il obtint un véritable triomphe en plaidant, devant la cour de justice la cause de quelques insurgés. Le succès dont il s’agit fut dû autant à l’éloquence de l’avocat improvisé qu’à la détermination qu’il montra de vider le procès en enfonçant la prison. Non content de cela, il proclama le commerce libre de sa propre autorité — et la Compagnie se le tint pour dit. Riel mourut vers 1865, entouré du respect général, laissant un fils qui devait prendre sa place dans l’histoire du Canada.

Pierre Falcon est le poëte du nord-ouest. Depuis 1816 ses chants ne cessent de résonner dans les solitudes de son pays natal — car c’est un enfant des plaines. Les touristes ne manquent jamais de le mentionner dans leurs récits avec force éloges. Il a d’abord été traiteur dans la compagnie du nord-ouest puis s’est fixé à la prairie du Cheval-Blanc où il coule aujourd’hui une paisible vieillesse. En 1869, lors de l’insurrection, il voulut reprendre le fusil comme en 1816, mais ses enfants l’en empêchèrent à cause de son âge avancé. Poëte et patriote il mérite un bon souvenir.

À l’arrivée des premiers employés et traiteurs anglais au grand lac des Esclaves (1778) ils trouvèrent des Canadiens dans cette région. En 1793, Alexander Mackenzie fit son célèbre voyage accompagné de François Beaubien, Joseph Landry, Charles Doucet, Baptiste