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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

espèce de tente qu’ils forment avec un de leurs draps de lit et qu’ils assujettissent avec deux perches qu’ils coupent sur place ; ils font leur petite cuisine, soupent, s’enveloppent dans leurs couvertures jusqu’au lendemain, repartent sur les huit heures, s’arrêtent dans le jour une fois pour manger et se remettent en chemin jusqu’au soir. Ils font généralement quinze à vingt milles par jour ; quand ils éprouvent du mauvais temps, quand ils rencontrent des rapides ou des portages, ils en font moins, quelques fois ils se reposent un jour entier. Ils étaient partis de Montréal. Leur route est par les lacs Ontario, Érié ; ils remontent la rivière Miamis, puis, par un portage de sept à huit milles ils gagnent la Theahikiriver qui donne dans celle des Illinois, ou celle de Wabash… Enfin ils se dirigent vers la partie du pays des Illinois où ils veulent s’établir. C’est ordinairement le long de la rivière de ce nom que se font ces établissements ; ils sont presque tous composés de Français-Canadiens. L’établissement des Illinois est un des grands comptoirs pour le commerce des fourrures ; c’est même le dernier comptoir principal dans cette direction, dont le chef-lieu est au fort Michillimakinac. Mais les agents poussent à cent milles plus loin et se mêlent pour leur trafic avec les Indiens de la Louisiane. Ce genre de commerce se fait principalement en rhum, mais aussi en fusils, en poudre, en balles, en couvertures, surtout en petits colliers de porcelaine, en petites boucles d’argent, en bracelets, en pendants d’oreilles, dont se chargent les Indiens, en raison de ce qu’ils sont plus ou moins riches. »

Avant 1763, les Canadiens avaient fondé à l’est du Mississipi, Kaskakia, Kaoquia, le fort Chartres, Saint-Philippe, la Prairie du Rocher, sans compter Vincennes, Ouatanon sur la rivière Ouabache et Saint-Joseph, au nord-est du lac Michigan. Au Détroit, les colons canadiens fixés sur les deux bords de la rivière, dans une étendue de trois lieues, formaient une population de deux mille deux cents âmes dont cinq cents personnes ayant porté les armes durant la guerre de sept ans.

En apprenant la cession du Canada à l’Angleterre, les Canadiens établis à l’est du Mississipi passèrent presque tous à l’ouest de ce fleuve, s’imaginant que de ce côté le roi de France avait réservé ses droits, tandis que au contraire le territoire en question venait d’être cédé à l’Espagne. C’est alors que nos compatriotes fondèrent Saint-Louis, Saint-Ferdinand, Carondelet, Saint-Charles, Sainte-Geneviève, Madrid et Gasconnade. L’Illinois, le Missouri, le Michigan, le Wisconsin, le Minnesota ne renfermaient que des colons de notre race vers la fin du dix-huitième siècle ; le Missouri seul en comptait plus de six mille.

« La petite ville de Kaskakia, écrit M. Tassé, était située sur les confins de la civilisation de l’ouest. Fondée dans les premiers temps du pays par les Français, elle se faisait remarquer par le nombre de ses hommes distingués, de ses femmes accomplies et par les manières policées de ses habitants. »

En 1812 la baie Verte comptait une population canadienne d’environ deux cent cinquante âmes. Douze ans plus tard, on n’y voyait encore que sept ou huit familles américaines. La politesse, la sociabilité et la bonne humeur des Canadiens de ce lieu sont vantées par les voyageurs anglais qui l’ont visité.