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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

mer les volontaires, vu, disait-il qu’il n’était pas prudent de les discipliner, le Canada étant un pays de conquête. Le général Bonaparte préparait alors sa campagne de Marengo et l’horison s’assombrissait en Europe. Comme toujours, on redoutait en Canada le contrecoup des affaires de France. Le Royal Canadien fut licencié. M. de Longueuil qui avait dépensé de fortes sommes pour soutenir ce corps,[1] reçut, en guise de remerciements, les reproches les moins mérités de la part du ministre des colonies. Juchereau, le jeune Louis de Salaberry, Maurice-Roch de Salaberry entrèrent dans des régiments anglais et gagnèrent leurs grades avec honneur.

La carrière de quelques uns des officiers du Royal Canadien nous est connue : —

J.-B.-Philippe d’Estimauville, né le 12 mars 1714 à Trouville en Normandie, avait été attaché, en 1729, en qualité de page, au service de la duchesse de Bourbon, et était entré, l’année suivante, dans la compagnie des cadets gentilshommes à Metz. De là, passant au régiment du Lyonnais (1733) il avait été successivement lieutenant, capitaine de brûlot et capitaine d’une compagnie franche (détachement dit de la marine) pour servir à l’île Royale (cap Breton). Le 15 avril 1755, il reçut la croix de Saint-Louis ; en 1761, il était encore à l’île Royale et ne prit sa retraite qu’en 1766. Marié (1749) avec Marie-Charlotte d’Aillebout, deux de ses fils furent militaires : Jean-Baptiste né en 1758, marié en 1783 à M.-Josephte Couraud de la Côte, officier au bataillon canadien du 60e régiment (1796) ; et le chevalier Robert d’Estimauville, né en 1752, qui servit dans les armées prussiennes et revint s’établir en Canada vers l’époque du traité d’Amiens (1801).

Jacques Testard sieur de la Forêt, natif de Rouen, avait eu deux fils, Jacques de la Forêt et Charles de Folleville, qui s’établirent dans la Nouvelle-France avant 1660. Jacques Testard sieur de Montigny, fils de Jacques ci-dessus, naquit à Montréal en 1663 ; nous l’avons vu figurer dans nos récits sous le nom du sieur de la Forêt ; militaire distingué, il reçut la croix de Saint-Louis après une dizaine de campagnes ; son nom était célèbre, de 1690 à 1730 dans toute l’Amérique du Nord. Il mourut en 1737, couvert de blessures. Son fils Jean-Baptiste, né en 1724, suivit la carrière des armes, de 1736 à 1760 avec beaucoup d’éclat ; retiré en France après la cession du Canada, il y mourut en 1786. L’un de ses fils prit du service en France, puis, à la révolution, passa en Allemagne ; les autres revinrent en Canada et soutinrent avec honneur le nom de Montigny ; leurs descendants n’ont pas dégénéré de leurs ancêtres.

La famille Rocbert de la Morandière remonte au dix-septième siècle parmi nous dans la personne d’Étienne, qui était conseiller au conseil souverain du temps de M. de Frontenac, et dont les fils ont été employés au nord-ouest et dans les garnisons du Canada, car plusieurs officiers de ce nom figurent dans nos archives.[2] Louis-Joseph, fils d’Étienne ci-dessus,

  1. À part cela il fit parmi ses officiers et ses soldats une souscription qui rapporta la somme de cinq cents louis sterling au fonds de guerre de la Grande-Bretagne, 1799.
  2. Une branche de la famille d’Amours des Chauffours était aussi représentée par des militaires du nom de la Morandière dont l’un commandait aux Missions en 1740.