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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

sauvages. Leur fils aîné, Louis dit Montour, épousa, vers 1683, Marie-Madeleine, de la nation des Sokokis. La descendance de ces derniers donna plusieurs interprètes de langues sauvages, tant au service de la Nouvelle-France que des colonies anglaises. On mentionne surtout André Montour, interprète et capitaine d’une tribu, qui de 1750 à 1768, joua un rôle marquant sur l’Ohio et au Détroit. Nicolas Montour, engagé dès sa jeunesse, dans le commerce des fourrures, devint l’un des associés de la compagnie du Nord-Ouest et réalisa une fortune de cent mille piastres, ce qui le mit en état d’acheter la seigneurie de la Pointe-du-Lac, où il vécut, à partir de 1790, avec tout le luxe imaginable — dévorant son argent en peu d’années. Sa femme se nommait Geneviève Wills. Nommé juge de paix en 1790, il fut élu, six ans plus tard, représentant du comté de Saint-Maurice, qui s’étendait alors depuis Berthier jusqu’à Batiscan, cette dernière paroisse comprise, et se montra assez indifférent envers les intérêts canadiens-français. Il fut remplacé en 1800, par Matthew Bell qui était encore moins que lui favorable à notre nationalité.

Le lecteur ne doit pas s’étonner de la place qu’occupait la milice dans l’attention de la chambre et du conseil durant les années 1792-1810. De tous temps, sous le régime français, les capitaines de paroisse avaient été considérés. Le gouvernement anglais se fit une règle de ne pas trop déranger cet état de choses. Il eut même le soin de veiller à ce que ses troupes régulières prissent en quelque sorte la place des corps français dans l’estime des Canadiens et pour cela il enjoignit aux officiers d’épée de faire respecter les croyances religieuses de la population. Anbury, qui formait partie de la garnison de Montréal en 1776, raconte que, la veille de la Fête-Dieu, il vit apporter en ville, sans trop savoir pourquoi, des « masses de branches de verdure, et le lendemain matin, ma surprise fut grande, dit-il, de voir les rues balayées, les petits arbres plantés de chaque côté, les uns formés en arches, les autres bordant le passage, de sorte que les rues ressemblaient à des vallons verdoyants. Le général Philips rappela aux troupes l’ordre en conseil de Londres, qui datait de quelques années déjà, et fit suivre cette lecture de recommandations conçues à peu près dans ces termes : « Demain, il y aura grande procession par la ville et je n’ai pas besoin de dire aux officiers quel respect et quelle attention Sa Majesté leur enjoint de rendre au saint Sacrement à son passage. Les sous-officiers devront tout particulièrement informer les soldats de l’ordre qui exige le salut, comme aussi d’ôter le chapeau s’il leur arrive de rencontrer le dais, et de rester à la position de attention tant qu’il n’est pas passé. Les cas de désobéissance seront punis avec la plus grande sévérité. » Pour revenir à la milice, les Canadiens n’aimait pas à voir les autorités impériales confier des grades d’officiers aux créatures qui se montraient favorables à sa politique d’absorption. Les « patriotes » comme on les a appelés plus tard, agitaient les campagnes à ce sujet. Dans l’espoir de faire disparaître les mécontentements, Ducalvet avait demandé la formation d’un régiment canadien de deux bataillons, comme l’étaient tous ceux du service régulier à cette époque (1784) sauf les gardes du roi qui comptaient quatre bataillons. Prenant un terme moyen, qui ne pouvait rendre le corps nouveau tout-à-fait indépendant, lord Dorchester (1786) obtint d’ajouter deux bataillons au 60e régiment, caserné en Canada sous les ordres de lord Jeffery Amherst, et qui prit en cette circonstance le