Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

essentiellement politiques ou administratives, jusque vers 1860 où les deux grands partis, étant devenus d’égale force, se balançaient tellement que toute législation était impossible. M. Cartier, et M. Dorion, sont les deux principaux Canadiens-Français qui dirigèrent la lutte, l’un contre l’autre, dans la province de Québec, durant cette période, et jusqu’à la confédération. Cette époque si remarquable de notre histoire politique doit à l’élément français une large part de son importance et l’intérêt qui s’attache aux questions débattues.

De 1852 à 1857, MM. A.-N. Morin et E.-P. Taché, ont gouverné la province-unie, de concert avec MM. Hincks et John A. Macdonald.

Garneau avait lancé en 1845 le premier volume de son Histoire du Canada. Le courage national s’était ranimé à la lecture de ces pages honnêtes et patriotiques. Les deux autres volumes eurent un succès immense. Notre peuple avait enfin son livre. Lorsque le commandant Belvèze, envoyé de Napoléon III, se rendit à Québec, avec la Capricieuse, en 1855, sa première visite fut pour M. Garneau qui avait révélé le Canada français à son ancienne mère-patrie. Les Anglais venaient de faire alliance avec l’empereur des Français ; ils arboraient partout le drapeau tricolore ; c’est d’eux que nous l’avons reçu et si nous le gardons dans nos cérémonies c’est parce qu’il représente la France actuelle — qui pour nous est toujours la France. Octave Crémazie, poète vigoureux, salua les trois couleurs par des strophes enflammées que chacun de nous se rappelle. La compagnie du Richelieu, fondée en 1845, par M. Sincennes, plaça le drapeau de la France sur ses bâtiments et tous les villages l’imitèrent. Le premier consulat français du Canada date de cette époque. Le monument des Braves, inauguré à Sainte-Foye, eut pour parrains les officiers de la Capricieuse. On dînait chez le gouverneur général au chant de nos airs nationaux. M. Cartier entonnait Vive la Canadienne. entre la poire et le fromage, tout comme au temps de Louis XV, et se faisait applaudir par les marins français unis aux militaires anglais. Le Drapeau de Carillon se mêlait aux accords, du God save the Queen. Un esprit nouveau flottait dans l’air. Cette alliance des deux couronnes nous valut un regain de souvenirs historiques. Pour la première fois, nos concitoyens anglais encouragèrent l’affection des Canadiens envers la France. En 1870 ils nous en firent des reproches, d’autant plus étranges que nous pensions le moment venu de nous montrer bons Anglo-Français lorsque la France se battait contre l’Allemagne.