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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

C’est en 1842 qui fut signé le traité Ashburton, en vertu duquel une forte partie des terres du Bas-Canada devint territoire des États-Unis. La chose parut insignifiante alors. Jamais les habitants du Haut-Canada n’eussent consenti à voir amoindrir leur province de la sorte. Mais à la moindre réclamation des Canadiens-Français, le cri de « rebelles » se fut élevé de nouveau. Tant pis pour l’Angleterre !

La mort de sir Charles Bagot, survenue le 19 mai 1843 fut une calamité pour le pays, car le successeur de cet excellent homme, sir Charles Metcalfe, imbu d’idées qui ne convenaient pas à la situation politique du pays, disposa des emplois sans consulter ses ministres, et ceux-ci donnèrent en conséquence leur démission, le 27 novembre 1843, après quatorze mois d’une administration qui avait été extrêmement fructueuse et populaire dans les deux provinces.

Ce livre n’est pas écrit pour raconter les événements politiques, mais seulement ce qui concerne les Canadiens-Français ; nous nous arrêtons néanmoins à certains faits qui ont eu sur notre élément national une influence notable. La question des emplois est de ce nombre. Si l’on tient compte que, de 1841 à 1866, la population française a presque toujours été, par son chiffre, la première du pays, il faut reconnaître que le pouvoir ne lui a jamais accordé sa part de l’administration. Durant ce long intervalle 95 Anglais ont été nommés au conseil exécutif, et 44 Canadiens ; 44 Anglais au conseil législatif, et 24 Canadiens ; 58 Anglais dans les bureaux de la capitale, et 30 Canadiens. Le reste en proportion. Dans les charges sujettes à l’élection, les comtés français du Bas-Canada se sont montrés envers les Anglais d’une générosité qui dépasse toute mesure ; cette condescendance ne nous a rien valu de bon.

M. Denis-Benjamin Viger se sépara de M. Lafontaine et, de concert avec M. Draper, forma un cabinet. Ses vues étaient toutes patriotiques, mais ils se trompaient en faisant alliance avec les conservateurs. La brochure qu’il publia en janvier 1844, ne lui rendit point la popularité qu’il venait de perdre. Aux élections générales de l’automne suivant, il fut défait dans deux comtés, mais garda son portefeuille — sans aucun droit, bien entendu. En ce moment les partis politiques ne formaient plus que deux corps : les libéraux et les conservateurs : tous deux ralliés au principe du gouvernement responsable, mais chacun l’appliquant à sa manière. Le Haut-Canada travaillé par le gouverneur général, avait élu une majorité conservatrice ; le Bas-Canada restait fidèle aux libéraux avec Lafontaine pour chef.

Dans le nouveau parlement, ouvert le 28 novembre 1844 M. Lafontaine demanda le rappel des exilés politiques. Ces infortunés commencèrent à revenir en 1845. M. Louis-Joseph Papineau était du nombre.

M. Denis-Benjamin Papineau, membre du cabinet Viger-Draper, demanda à la chambre (1844) le rétablissement de la langue française dans les procèdes législatifs, une grande majorité l’appuya, mais l’Angleterre fit la sourde-oreille et ce ne fut qu’en 1848 qu’elle céda enfin, réparant ainsi son injustice de 1840 avec une mauvaise grâce manifeste, peu propre à entretenir son affection parmi nous. Les réformes, arrachées, une par une, au gouvernement de la Grande-Bretagne, depuis 1842 jusqu’à 1847, ne valaient pas à nos yeux cette grave affaire de la reconnaissance de notre langue — et les ministres de Downing Street paraissaient