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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

part des écrits sont calculés pour instruire le peuple — le tout est pénétré d’un sentiment national qui ne se dément jamais. Dans le Courrier de Québec (1807) le docteur Jacques Labrie se forme sur ce modèle et donne des leçons d’histoire du Canada fort remarquables pour le temps, bien que assez pauvrement écrites. Nous ne savons ce que valaient les matériaux amassés, durant trente ans, par cet érudit et dont on a tant parlé, ils ont été brûlés dans le sac de Saint-Benoit, en 1837. Le docteur a pris une part active aux affaires publiques, jusqu’à sa mort, en 1831. Sa réputation d’historien est basée sur la participation qu’il a eue si longtemps à nos cercles littéraires et les avis qu’il prodiguait aux jeunes gens attirés vers l’étude de notre passé.

Justin McCarthy, savant et spirituel avocat canadien, sous un nom anglais, publia, en 1809, un excellent dictionnaire de l’ancien Droit du Canada ; c’est une compilation des édits, déclarations, etc., dont les gens de loi tirèrent immédiatement un bon profit et qui est restée longtemps en faveur. Trois années auparavant, William Vondenvelden, arpenteur, avait publié, de concert avec Louis Charland, des extraits des titres seigneuriaux, complétant ainsi les ouvrages si utiles de Cugnet. En 1809, Jean-Antoine Bouthillier, rédacteur ostensible du Canadien, mit au jour un traité d’arithmétique à l’usage des écoles, parce que les livres de cette classe étaient rares depuis quelques années, à cause de la guerre qui nous empêchait de les importer de France.

La Société Littéraire de Québec, qui florissait en 1809, avait pour secrétaire Louis Plamondon, avocat de talent, orateur et écrivain, le même qui fut plus tard président de la société d’encouragement aux arts et aux sciences, fondée dans cette ville.

D’après ce que nous voyons, il est tout à fait contraire à la vérité de dire que les Canadiens se montraient alors indifférents pour la culture des lettres. Nous ne faisons guère mieux aujourd’hui et cependant nous sommes fiers de nos travaux. Alors comme à présent, les bonnes plumes de la chambre d’assemblée et les orateurs les plus écoutés en politique, se faisaient un honneur et un devoir de figurer dans notre petit monde littéraire. Ils activaient l’enthousiasme national, semaient des idées neuves, armaient l’esprit des Canadiens pour les combats de l’avenir. Ceux qui les attaquent de nos jours savent cela. Pourquoi cherchent-ils à faire passer pour des barbares, ces hommes qui marchaient à la tête des choses de l’intelligence ? Que ne blâment-ils plutôt cette clique enragée de journalistes anglais dont les articles, réunis en volumes, feraient honte à leur race. Avec des instincts d’esclaves, ces derniers n’ont servi que les caprices de leurs maîtres.

Les Canadiens de Montréal ne le cédaient pas beaucoup en ce genre à ceux de Québec. Après la suppression violente du Canadien (1810) le Spectateur parut à Montréal (1813-1817) moins occupé de politique, mais bourré de vers du cru et d’articles instructifs, presque toujours bien écrits. Les poètes de cette époque en voulaient à Napoléon, sans savoir pourquoi, comme les jeunes muses de nos jours gémissent uniformément sur les rigueurs du sort, sans avoir connu la vie. À chaque temps sa colère ou sa plainte. Entre deux morceaux dirigés contre le vainqueur d’Austerlitz, on voit paraître une tendre déclaration d’amour ou une idylle champêtre, écho lointain des bergeries du siècle de Louis