Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Figaro ! on ne fait pas mieux à Paris ! » Et ce fut des hurrahs pour Salaberry à n’en plus finir. Heureux temps où tout le monde se connaissait à Québec. Heureux temps où même au théâtre on était en famille ! où un gentilhomme universellement aimé pouvait sans inconvenance interrompre une pièce et être applaudi par le public.

Le témoignage du duc de Larochefoucauld, qui n’est pas toujours très juste parce que cet auteur n’a pas visité le Bas-Canada, mérite néanmoins quelque attention. Il dit : « Outre l’instruction théologique donnée au séminaire de Saint-Sulpice, de Montréal, on y enseigne (1795) aussi le latin, et même à lire. Ces soins sont confiés aux jeunes ecclésiastiques qui étudient pour être prêtres, et qui sont dispensés de certains exercices, de certaines assiduités, sans lesquels ils ne pourraient pas obtenir leurs grades, s’ils n’étaient pas employés à l’instruction de la jeunesse. Cette maison est la seule ressource qu’aient les familles canadiennes pour donner une sorte d’éducation à leurs enfants, qui encore n’a lieu qu’en payant. L’éducation, d’ailleurs, est nulle dans le Bas-Canada. Quelques basses écoles sont tenues par des religieuses, à Sorel et aux Trois-Rivières ; quelques autres le sont ailleurs par des hommes, et encore plus par des femmes qui se font payer, mais elles sont en si petit nombre qu’un Canadien qui sait lire est une espèce de phénomène ; et comme la plupart de ces écoles sont entre les mains de religieuses ou d’autres femmes, il en résulte, contre l’usage commun de tous les pays, que le nombre des femmes qui savent lire est en Canada beaucoup plus grand que celui des hommes. On attribue au gouvernement anglais la volonté de tenir le peuple canadien dans l’ignorance, mais sur ce point, comme pour celui de l’amélioration de l’agriculture, il aurait de grands obstacles à vaincre, s’il voulait même de bonne foi provoquer un changement en mieux. » Observons, à l’encontre d’une partie de ce témoignage, que nous possédions un nombre suffisant d’hommes instruits pour les besoins du temps. L’auteur continue : « Il n’existe dans tout le Canada aucune société savante ; on n’y connait pas trois hommes qui s’occupent des sciences pour leur propre compte. À l’almanach de Québec près, il ne s’imprime pas un seul volume dans tout le pays. » Nous pourrions répondre que, de 1764 à 1795, pas moins de trente ouvrages étaient sortis des presses de la province et que huit ou dix autres, écrits par des Canadiens, avaient été imprimés à Londres. Ce n’était pas beaucoup à la vérité, mais, proportion gardée, nous ne faisons pas mieux aujourd’hui. Les sciences, proprement dites, étaient fort négligées ; nous n’avons pas fait de progrès notable sous ce rapport. La Rochefoucauld ajoute : « Il n’y a de bibliothèque publique, dans tout le Canada, qu’à Québec. Elle est petite et généralement composée de livres français. On est étonné d’y voir les ouvrages des assemblées nationales de France, quand on connait les dispositions politiques des directeurs de cette bibliothèque. Elle est entretenue par souscription. » William Smith, contemporain de cette époque, dit que la bibliothèque publique de Québec avait été formée en 1785 et les livres achetés en Angleterre. En 1824, M. Vassal de Montviel, député, écrivant de Paris au colonel Vassal de Montviel, adjudant général des milices, mentionne les renseignements recueillis par ce dernier, dans la bibliothèque de Québec, concernant les anciennes familles de la noblesse française, preuve que l’on avait maintenu sur un assez bon pied la fondation de 1785.