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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

fendre une ligne d’eau, il se conformait aux règles du métier et suivait l’adversaire comme une ombre en deçà de la rivière, lui présentant ses têtes de colonnes chaque fois qu’il tentait la traversée. Ces allées et venues fatiguaient tellement les Américains qu’ils furent sur le point de suspendre les opérations. Ce n’est que, en apprenant la marche victorieuse de Napoléon sur Moscou que des ordres pressants, arrivés de Washington, les déterminèrent à agir. On était en automne ; il n’y avait pas une journée à perdre. Le 13 octobre, à Queenston, un combat sanglant eut lieu ; Brock y perdit la vie, mais son remplaçant, le général Sheaffe remporta une victoire complète.

L’armée américaine de l’ouest avait été battue et dispersée au Détroit. Celle du centre, culbutée, prit ses quartiers d’hiver. La troisième, à l’est, poussa une pointe vers Saint-Régis, pilla le village mais se retira devant les Voyageurs (23 oct.). Le 9 novembre, la flotte américaine canonna un navire devant Kingston et maltraita assez vivement quelques vaisseaux anglais.

Le 30 novembre, la frontière du Bas-Canada, non loin de Lacolle, fut franchie. Salaberry accourut avec ses voltigeurs et tint l’ennemi en échec. Le 22, toute la milice de la province était sous les armes. Les bataillons de la Pointe-Claire, de la rivière Duchène, de Vaudreuil et de la Longue-Pointe traversaient le Saint-Laurent, de Lachine à Caughnawaga, sous les ordres du colonel Étienne Deschambault, et d’autres bataillons partaient de Montréal pour Longueuil et Laprairie. Le lendemain, les troupes régulières anglaises enlevaient le poste de Salmon River près Saint-Régis. Le danger paraissant disparu, la milice rentra dans ses foyers, le 27 novembre, et pour clore la campagne, les Américains firent une descente heureuse mais sans conséquence entre les forts Érié et Chippawa, au-dessus des chutes du Niagara.

Plus que jamais, la conduite de la guerre du Canada dépendait des nouvelles d’Europe. Après l’incendie de Moscou (septembre) Napoléon avait abandonné la Russie pour rentrer dans son empire et créer une autre armée. Les rois se levaient contre lui. Ses alliés de Washington se tenaient sur l’expectative.

La chambre d’assemblée se réunit à Québec le 29 décembre 1812, et jusqu’au 15 de février procéda aux affaires comme si de rien n’était. Elle demanda la réduction des salaires des employés ; l’instruction de la milice devait, disait-elle, se faire en langue française ; les voies de communication n’étaient pas ce qu’elles pouvaient être ; un vote généreux renouvela et augmenta le nombre des « billets d’armée » ; la situation financière du pays était rassurante, même très bonne.

On a calculé que, en 1811, le Haut-Canada renfermait soixante et dix-sept mille âmes, et en 1814 quatre-vingt quinze mille. Cette dernière année le Bas-Canada en comptait trois cent trente-cinq mille.

Après la session, sir George Prevost partit pour le Haut-Canada. Le 21 janvier 1813, les Américains avaient été repoussés par le général Proctor à Frenchtown, sur la rivière Raisin, frontière du Détroit. Le 22 février, les Anglais traversant le fleuve devant Prescott, prenaient Ogdensburg après une vaillante résistance. Au mois de mars un sixième bataillon