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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

d’ailleurs, par leurs intérêts particuliers, étaient incompétents de connaître de cette affaire, attendu les terres qu’ils possèdent dans le pays ; les raisons dont le conseil de Québec s’est servi pour rendre ces deux arrêts sont, que les suppliants n’ont point prétendu jusqu’à présent percevoir la dîme de toutes les denrées, et qu’ainsi, ils sont non recevables à demander aujourd’hui une chose à quoi ils n’ont jamais songé, et sous le prétexte de la grande pauvreté des peuples. Il est aisé aux suppliants de détruire ces objections, sur la première que toutes autres choses, hors les grains, étaient de si peu de conséquence dans leurs commencements qu’elles ne méritaient pas d’en demander la dîme, le lin, le chanvre, le tabac, les citrouilles et les autres denrées étaient encore inconnues, et les peuples étaient alors dans une si grande indigence qu’il était difficile à des missionnaires que la charité amenait en Canada, de ne pas relâcher de leurs droits ; mais pour le présent que ces habitants sont bien établis, et que la terre depuis que le pays a été découvert a rapporté plus abondamment toutes ces menues choses, que ces habitants préfèrent de semer aux grains ordinaires, il est bien juste qu’ils se soumettent à leurs obligations.

« Sur la seconde objection, il est de notoriété publique que communément il n’y a point d’habitants qui ne vivent sur leurs terres en y prenant de la peine ; ils y trouvent presque toutes les nécessités de la vie, et même ordinairement assez abondamment ; et il n’y a que les habillements qui leur coûtent le plus, encore commencent-ils à recueillir du lin dont ils font quantité de toiles, qui leur sont d’un très grand secours, et à élever des moutons dont ils prennent la laine pour faire des étoffes, au lieu que les suppliants n’ayant point d’habitations qui leur fournissent tous ces besoins, sont obligés d’acheter jusques aux moindres choses, et par ce moyen hors d’état de donner aucun secours aux pauvres qui leur viennent demander du soulagement, ce qui fait espérer aux suppliants que Sa Majesté faisant attention sur ces raisons, elle leur fera la grâce de leur accorder la permission de lever les dîmes de tout ce qui naît, tant par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, sur le pied de treize une, suivant l’édit du mois d’avril 1663, qu’ils pourront percevoir sur le champ.

« Requerraient à ces causes, qu’il plût à Sa Majesté, sans avoir égard aux arrêts rendus par le conseil souverain de Québec, le dix-huit novembre 1705 et premier février 1706, ordonner que les édits de 1663 et 1679, seront exécutés selon leur forme et teneur, en ce qu’ils ordonnent que toutes les dîmes de quelque nature qu’elles puissent être, tant de ce qui naît en Canada par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, se payeront de treize portions une, ce faisant, ordonner que tous les habitants du Canada possédant des terres seront tenus de payer la dîme de treize portions une, savoir, de toutes sortes de grains, du lin, chanvre, tabac, citrouilles, fruits qui naissent sur les arbres, jardinages, foins et généralement tout ce que la terre produit d’elle-même, et le tout sur le même pied.

« Vu aussi l’édit du mois d’avril 1663, portant confirmation de l’érection du séminaire de Québec, qui ordonne entre autres choses, que toutes les dîmes de quelque nature qu’elles soient, tant de ce qui naît par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-