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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

naît par le travail des hommes, et de tout ce que la terre rapporte d’elle-même par les habitants, pures et nettes, et seulement de la vingt-sixième portion une, au lieu de treize, suivant qu’il est porté par l’édit de 1663,[1] et cela pendant l’espace de vingt années et jusqu’à ce que le pays fut en état de souffrir une plus forte imposition ; lequel règlement Sa Majesté confirma par son édit du mois de mai 1679, dans toute son étendue, dans cet état il ne peut rester aucun doute que les curés de Canada ne soient en droit de lever la dîme conformément aux dits édits et règlements ci-dessus, et avec d’autant plus de fondement que Sa Majesté n’a rien ordonné par ses édits que de conforme à plusieurs autres qu’elle a rendus pour tout le royaume, en conséquence desquels les curés ont droit de percevoir les dîmes de toutes choses, et particulièrement de tout ce qui provient d’une terre qui a une fois rapporté une chose qui doit dîme, sur ce fondement universellement reçu, que tant que la nature du fonds subsiste l’obligation qu’il a de payer subsiste pareillement, quoique la superficie soit changée suivant qu’il a été décidé par plusieurs arrêts du parlement de Paris et par plusieurs autres cours souveraines. Or il ne se trouvera dans le Canada qu’il y ait aucune terre qui n’ait été labourée et ensemencée de grains payant la dîme, et par conséquent de l’obligation des habitants de payer la dîme de tout ce qu’elle rapporte, et avec d’autant plus de justice, que si Sa Majesté permettait à ces habitants de ne payer la dîme que des grains seulement, ils seraient réduits à la mendicité et se trouveraient hors d’état de desservir leurs cures, et même contraints de les abandonner, attendu que le peu de débit de ces grains fait que ces habitants ensemencent la plus grande partie de leurs terres de différentes denrées et particulièrement de celles qu’ils auront remarqué, qui se sera la mieux vendue, et continuent ainsi dans l’espérance qu’ils ont qu’ils en auront le débit, cependant, les suppliants supplient Sa Majesté de considérer que leur unique bien consiste uniquement dans la dîme, d’où il faut qu’ils tirent leur nourriture et leurs habillements, qu’ils sont contraints d’acheter à un prix excessif, et jusqu’aux moindres choses de la vie, pendant que toutes les denrées qui croissent dans le pays se donnent à un prix fort médiocre faute de consommation, et qu’il serait juste qu’ils partageassent du moins avec les peuples qu’ils servent, les moyens de subsister dans ce que le pays peut produire, ce qui serait même beaucoup plus convenable que d’être obligés de se pourvoir pardevers Sa Majesté pour raison de leur nourriture et entretien ; et c’est dans cette vue que l’un des suppliants demande la dîme du lin, et un autre explique dans son prône, le droit qu’il avait de demander la dîme de plusieurs choses, par la lecture qu’il fit du dit édit de Sa Majesté, et c’est sous ce prétexte que le sieur procureur-général a poursuivi ces deux curés et fait rendre deux différents arrêts, par le premier il les a fait citer pardevant le conseil de Québec, pour être entendus et après avoir été pleinement convaincus de la justice de leur procédé et de leur droit, leur en ont néanmoins interdit la jouissance, et ont suspendu l’exécution des édits de Sa Majesté, quoiqu’ils ne soient pas en droit de donner atteinte à ses édits, n’y ayant qu’elle seule qui puisse le faire de son autorité privée, et qui

  1. Les pièces que nous publions résument l’histoire de la dîme sous le régime français.