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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

lins et chanvre, ce qui a fait que, depuis deux ans, tous les habitants s’y sont employés fortement, dont ils commencent à ressentir l’avantage, ces prétentions et demandes des dits curés étant capables de les décourager et même rebuter ; —

« Il est nécessaire de savoir que, lorsque messieurs de Tracy, Courcelles et Talon, furent envoyés en ce pays par Sa Majesté en l’année mil six cent soixante et cinq en qualité de gouverneurs et lieutenants-généraux et intendants, ils firent un règlement avec monsieur de Laval, pour lors nommé par Sa Majesté premier évêque de ce pays, le quatrième jour de septembre mil six cent soixante et sept, après avoir entendu les plus notables du pays, par lequel il fut arrêté que les dîmes ne s’y payeraient à l’avenir que des grains seulement, à raison du vingt-sixième minot,[1] en considération de ce que les habitants seraient tenus de l’engranger, battre, vanner et porter au presbytère. Ce règlement resta au secrétariat de mon dit sieur Talon, intendant, et, quoiqu’il ne paraisse pas, parce que la plus grande partie de ce secrétariat a été dissipé, comme la plupart de ceux de messieurs ses successeurs, il a été exécuté de bonne foi, de part et d’autre, et il ne peut être nié, parce qu’il y a encore des personnes vivantes qui en ont parfaite connaissance pour y avoir été appelées.

« L’édit de Sa Majesté donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois de mai mil six cent soixante et dix-neuf,[2] registré le vingt-troisième octobre suivant, fait mention de ce règlement et le date du quatre septembre mil six cent soixante et sept, et, comme Sa Majesté a donné cet édit pour servir au règlement des dîmes et cures fixes, Elle a dérogé par icelui spécialement aux lettres-patentes du mois d’avril mil six cent soixante et trois,[3] par lesquelles Sa Majesté avait confirmé ce décret d’érection du séminaire de cette ville auquel Elle avait affecté toutes les dîmes de quelque nature qu’elles pussent être, dérogeant pareillement à toutes lettres-patentes, édits et déclarations et autres actes contraires.

« Lorsque Sa Majesté fit connaître ses intentions par ses lettres à feu M. le comte de Frontenac, et à feu M. Duchesneau, au sujet de l’établissement des cures fixes en ce pays et qu’elles furent réitérées et renouvelées par les lettres de feu M. Colbert, ils eurent ordre de régler dans une assemblée à quelle somme seraient fixée la portion congrue de chaque curé, elle le fut à cinq cents livres, outre les menus profits du dedans de l’église, et on estime qu’avec cette somme, outre leur subsistance et entretien, ils pouvaient avoir un domestique pour les servir.

« Quoique ce règlement soit suffisant et qu’il soit assuré que le moyen d’établir le pays ce serait de rendre toutes les cures fixes, cependant il n’y en a quasi pas, et encore on n’en a pourvu que ceux qu’on est assuré qui rendront leurs provisions toutes fois et quantes qu’on leur demandera, et c’est pour cela que, jusqu’à présent, ils n’ont pas fait enregistrer leurs dites provisions et qu’ils les tiennent secrètes, et aussi qu’ils ne s’attachent pas à l’augmentation du temporel des dites cures.

  1. Voir le présent ouvrage, IV, 103, 104.
  2. Nous venons de le citer.
  3. Voir notre tome IV, 99.