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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

s’étonnent pas de ces misères qui ont toujours existé plus ou moins dans l’Église. C’est la part de la nature humaine et l’épreuve de la foi. »

Parlant de Mgr  de Saint-Valier, le même auteur s’exprime ainsi : « Les vertus sacerdotales, l’esprit de mortification et d’humilité qu’il avait puisé à l’école des grands maîtres spirituels, n’avaient pas détruit en lui les préjugés de la noblesse, ni toutes les saillies d’un tempéramment impétueux. Devenu évêque de Québec, son administration se ressentit de ces qualités et de ces défauts. Le grand bien qu’il fit dans son diocèse, et qui ne peut être contesté sans injustice, fut mêlé de procédés arbitraires et d’actes bizarres, qui mirent souvent à de rudes épreuves ceux qui vivaient avec lui, et empêchèrent de l’apprécier alors à sa juste valeur. » Puis il énumère ses actes méritoires : « 1. Une fondation de quarante mille livres au séminaire de Québec pour l’entretien de six prêtres dans les missions sauvages les plus abandonnées. 2. La construction d’un palais épiscopal qu’il légua à ses successeurs, et qui lui coûta plus de quatre-vingts mille livres. 3. La fondation de l’Hôpital-Général, l’une des quatre grandes institutions de Québec qui, depuis deux siècles, ont répandu des bienfaits qui ne se comptent pas ; il y consacra soixante mille livres. 4. La fondation des ursulines des Trois-Rivières qui, depuis ce temps, ont été la providence de cette ville ; il les dota de trente mille livres. 5. Une donation de vingt mille livres aux prêtres du séminaire de Montréal. 6. Une autre donation de huit mille livres pour le soutien d’une école à Québec. 7. Un don de six mille livres aux sœurs de la congrégation de Notre-Dame de Montréal. Le total des sommes dépensées au Canada par Mgr  de Saint-Vallier s’élève à six cent mille livres, sur lesquelles deux cent mille provenaient de son patrimoine de famille. »

Revenant de France, en 1704, Mgr  de Saint-Vallier tomba aux mains des Anglais et fut retenu captif durant huit années. En son absence du pays, un événement, que Mgr  de Laval ou son parti avaient dû préparer, obligea le conseil supérieur de la colonie à rendre l’ordonnance suivante, sous la date du 18 novembre 1705 : « Sur ce qui a été remontré par le procureur-général du roi qu’il a eu avis, le jour d’hier, que le curé de la paroisse de l’Ange-Gardien[1] et celui de Notre-Dame de Beauport[2] ont, dans leurs prônes, dimanche dernier, et autres dimanches précédents, averti leurs paroissiens que, dorénavant, ils prétendaient qu’ils leur payassent la dîme, non seulement des grains, comme il a été pratiqué jusqu’à présent, mais encore de tout ce que la terre produit par la culture ou sans culture et des bestiaux, comme foin de bas pré, fruits, lin, chanvre, moutons et autres choses, tellement que ces propositions causèrent un grand murmure, à la sortie des dites messes, entre les habitants, à cause de cette nouveauté insupportable en ce pays qui est déjà si difficile par la rigueur de son climat qu’à peine les habitants peuvent-ils payer exactement la dîme de leurs grains et subvenir à leurs pressants besoins,[3] ce à quoi ils ne pourront parvenir dorénavant, comme ils en sont pleinement convaincus, qu’en s’appliquant à élever des moutons et à la culture des

  1. Gaspard Dufournel, né en France.
  2. Étienne Boullard, né en France, curé de Beauport de 1684 à 1719.
  3. La colonie était épuisée par les guerres qui duraient depuis vingt ans, et par le monopole du commerce.