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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

sur la neige pendant l’hiver et tantôt en canot pendant l’été, où ils rament tout le jour, et que si on leur augmentait leur étendue, qui était déjà trop grande, ils ne seraient pas capables de fournir à une aussi grande fatigue. Cependant, monseigneur, toutes ces difficultés ne m’ont pas empêché de faire connaître les intentions de Sa Majesté et les vôtres, et monsieur l’évêque a renvoyé les prêtres dans les lieux qu’ils avaient accoutumé d’assister et leur a ordonné de se contenter des vivres les plus simples et du seul nécessaire pour leur entretien. Quelques-uns des propriétaires des fiefs et des seigneuries ont offert de les nourrir chez eux et ils doivent pourvoir à leur entretien, comme cela se fait volontairement et indépendamment des dîmes ; on ne peut assurer qu’ils continueront… Il n’y a dans tout le pays que le nombre de sept églises paroissiales, sans compter celle de Québec, dont les murailles sont de pierre, qui sont dans les seigneuries de monsieur l’évêque et des messieurs de Saint-Sulpice et dans deux seigneuries particulières, lesquelles ont été bâties en partie des fonds que Sa Majesté a appliqués pour ce sujet, de fortes contributions de ces messieurs et des charités des particuliers. Les autres sont de pièces de bois et de planches qui ont été construites aux dépends des propriétaire des fiefs et des habitants que monseigneur l’évêque refuse de consacrer parce qu’il dit qu’il est de son devoir et de son obligation de ne donner la consécration qu’à des bâtiments solides et de durée. »

Aux pages 53, 66, 91 du tome v du présent ouvrage, nous avons donné la liste du clergé du Canada en 1681. En 1684, Mgr de Laval ne pouvant consentir à se laisser dominer par les habitants partit pour la France.[1] En 1685, sur soixante et quatre seigneuries, il y avait quarante paroisses ayant des curés résidents. Une lettre de La Hontan, écrite de Montréal le 15 mars 1684, dit : « Messieurs de Saint-Sulpice (de Paris) ont le soin d’envoyer ici des missionnaires[2] de temps en temps qui vivent sous la direction d’un supérieur fort honoré dans le pays. Ils sont logés dans une belle, grande et magnifique maison de pierre de taille. Leur église n’est pas moins superbe. Elle est bâtie sur le modèle de celle de Saint-Sulpice de Paris et l’autel est pareillement isolé. Leurs côtes ou seigneuries au sud de l’île, produisent un revenu considérable, car les habitations sont bonnes, et les habitants riches en blé, bétail, volailles et mille autres denrées qu’ils vendent ordinairement à la ville ; mais le nord de l’île n’est pas encore peuplé. Ces prêtres-seigneurs… ont toujours traversé l’établissement des jésuites et des récollets à Montréal… Le peuple a beaucoup de confiance aux gens d’église en ce pays-là, comme ailleurs. On y est dévot en apparence, car on n’oserait avoir manqué aux grandes messes, ni aux sermons, sans excuse légitime… On nomme les gens par leur nom à la prédication ; on défend sous peine d’excommunication la lecture des romans et des comédies, aussi bien que les masques, les jeux d’ombre et de lansquenet. Les jésuites et les récollets s’accordent aussi peu que les molinistes et les jansénistes. Les premiers prétendent que les derniers n’ont aucun droit de confesser… Les officiers (militaires) doivent aussi

  1. Voir tome V, 95-96.
  2. Mgr de Saint-Vallier disait en 1685 : « Le supérieur du séminaire de Saint-Sulpice a de quoi fournir des curés à la ville de Montréal et aux environs ; des supérieurs aux hospitalières et aux sœurs de la Congrégation, et des missionnaires aux Sauvages. »