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CHAPITRE V


1675-1760


Le clergé. — Mgr de Laval et Mgr de Saint-Vallier en antagonisme. — Les dîmes. — Mgr de Mornay réside en France. — Mgr Dosquet. — Mgr de l’Aube-Rivière. — Mgr de Pontbriand. — Les ordres eeligieux.


M

onseigneur de Laval et monseigneur de Saint-Vallier ont gouverné l’Église du Canada de 1659 à 1727, et, à travers les événements auxquels ils se sont vus mêlés, durant plus d’un demi siècle, on pourrait suivre difficilement leurs carrières, à moins que d’écrire une histoire de l’Église en Canada, ce qui n’a pas encore été fait. Pour nous, l’ensemble des questions qui concernent ces deux prélats se résume à l’affaire des dîmes et des curés fixes.

Dès l’origine de la colonie, les habitants avaient demandé des prêtres, ou résidants ou attitrés, dans chaque paroisse. Les jésuites y étaient opposés. Mgr de Laval, leur disciple, se montra toujours en faveur de l’emploi de « missionnaires, » au lieu de céder aux désirs des colons. Il déléguait, pour remplir les fonctions curiales, des prêtres qu’il changeait ou révoquait à son gré. Son but, en tenant ainsi le clergé sous sa dépendance était, dit Garneau, « d’en faire une milice parfaitement soumise, et de maintenir par son influence les particuliers dans la subordination. Ce projet ne put se réaliser, à cause même de sa trop grande étendue ; il excita les jalousies de l’autorité politique et des habitants, qui le regardèrent comme contraire au droit commun de la France. Les habitants et les curés avaient transporté au Canada les privilèges et les libertés dont ils jouissaient dans leur ancienne mère-patrie : et, d’après un principe reconnu chez toutes les nations, ils pouvaient exiger dans la colonie les avantages que leur qualité de Français leur aurait assurés dans le pays natal. À leur demande, Louis XIV rendit les cures fixes, en ordonnant de les conférer à des titulaires perpétuels… Il faut attribuer principalement à sa haute naissance, l’influence considérable que Mgr de Laval exerça dans les affaires du pays, faisant et défaisant les gouverneurs à son gré. Il avait de grands talents et une activité infatigable ; mais son esprit absolu et